[[Berkas:Joseph Joffre.jpg|thumbjmpl|rightka]]
'''Josep Joffre''' (atau nama lengkapnya '''Joseph Jacques Césaire Joffre'''; {{lahirmati|[[Rivesaltes]], [[Pyrénées-Orientales]], [[PerancisPrancis]]|12|1|1852|[[Paris]], [[PerancisPrancis]]|3|1|1931}}) adalah seorang jenderal [[PerancisPrancis]] pada [[Perang Dunia I]], yang masuk dalam barisan [[Première bataille de la Marne|bataille de la Marnedi]] tahun [[1916]].<!--
C'est aussi un des responsables militaires les plus controversés du {{XXe siècle}}, notamment en raison de l'emploi de la stratégie militaire de l'« [[offensive à outrance]] », extrêmement coûteuse en vies humaines pour des résultats relativement médiocres sur le terrain, notamment lors de la [[bataille des frontières]] et de la [[bataille de la Marne]]. En [[1916]], il est alors remplacé par le [[Robert Georges Nivelle|général Nivelle]]. En [[1918]], il est élu à l'[[Académie française]].
== Carrière militaire au service du génie ==
=== Jeune officier venu du Midi ===
Joseph Joffre naît à [[Rivesaltes]] à 8 heures du matin. La famille est aisée, nombreuse et [[Roussillon (géographie)|roussillonnaise]] : le père, Gilles Joffre (1823-1899) est [[tonnelier]] et sa mère Catherine Plas (1822-1899) mère au foyer. Élève brillant, il fait d'abord ses [[Enseignement secondaire|études secondaires]] au [[lycée]] de [[Perpignan]] ([[lycée François-Arago]]), puis au [[lycée Charlemagne]] à [[Paris]] où il prépare le concours d'entrée aux [[Grande école|grandes Écoles]] (rentrée [[1868]])<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}15</ref>. Il entre comme benjamin de sa promotion à l'[[École polytechnique (France)|École polytechnique]] en juillet [[1869]] à 17 ans (14{{e}}/132)<ref>Durant la même période, d'autres futurs maréchaux de France incorporent Polytechnique : [[Michel Joseph Maunoury|Maunoury]] (1867), [[Ferdinand Foch|Foch]] (1871) ou encore [[Marie Émile Fayolle|Fayolle]] (1873).</ref>. Un de ses amis dira de lui : {{citation|Il avait vraiment bon air, sous le frac, avec ses galons d'or tout neufs}}<ref>Émile Mayer, ''Trois Maréchaux, Joffre, Gallieni et Foch'', Paris, Gallimard, 1928</ref>.
Il suit l'instruction militaire depuis quelques mois quand la [[Guerre franco-allemande de 1870|guerre franco-prussienne]] éclate durant l'été [[1870]]. Il est aussitôt affecté au bastion 39, près de [[Quartier de la Villette|La Villette]]. Il est déçu par la médiocrité de la défense française. Joseph Joffre participe à la guerre comme sous-lieutenant des [[8e régiment d'artillerie|8{{e}}]], [[4e régiment d'artillerie (France)|4{{e}}]] et enfin [[21e régiment d'artillerie|21{{e}}]] régiments d'[[artillerie]]. En mars [[1871]] seulement, il regagne l'École avec ses camarades<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}28-29</ref>. Durant la [[Semaine sanglante]], Joffre est hostile à la [[Commune de Paris (1871)|Commune]] qui provoque un chaos terrible dans Paris<ref name="minDef">{{pdf}}[http://www.defense.gouv.fr/sga/content/download/46010/457583/file/n28_-_joseph_joffre_1852-1931_mc28.pdf Biographie de Joseph Joffre] sur le site du [[Ministère de la Défense (France)|ministère de la Défense français]]</ref>.
En juillet 1871, il retrouve une nouvelle fois l'École. À sa sortie de Polytechnique, il opte pour le [[génie militaire]] et est affecté au [[2e régiment du génie|2{{e}} régiment]] à [[Montpellier]] en novembre 1871. Promu [[Lieutenant (grade militaire)|lieutenant]] en [[1872]], il est détaché à l'[[École d'application de l'artillerie et du génie]] à [[Fontainebleau]]. Il fait la connaissance d'une jeune veuve, Marie-Amélie Pourcheiroux (1846-1874) qu'il épouse le 11 octobre [[1873]] mais qui meurt en couches le 3 avril [[1874]] à [[Montpellier]]. Il demande sa mutation<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}31-33</ref>.
Joffre est affecté au [[1er régiment du génie|1{{er}} régiment]] à [[Versailles]] au cours du printemps 1874. Il participe à la reconstruction de l'[[Enceintes de Paris|enceinte fortifiée de Paris]] puis il dirige la construction du fort de [[Montlignon]] ([[Seine-et-Oise]], 1874). Initié franc-maçon en 1875, il fait partie de la [[loge Alsace-Lorraine]]. Nommé [[capitaine]], le jeune officier part pour [[Pontarlier]] travailler aux [[Fortifications de l'Est|fortifications du Jura]] (1876), puis à celles de [[Montlouis]] et [[Villefranche-de-Conflent]] ([[Pyrénées-Orientales]], 1883-1884).
Sa demande de partir en [[Extrême-Orient]] est acceptée quelques mois après son dépôt, à la fin de l'année [[1884]]<ref name="minDef" />.
=== Service dans les colonies françaises ===
De retour à Paris, le capitaine Joffre reçoit sa mutation en [[Extrême-Orient]], où la [[France]] cherche depuis plusieurs années à accroître son emprise économique et militaire. En janvier [[1885]], il embarque à [[Marseille]] et arrive sur l'île de [[Île de Taïwan|Formose]] un mois et demi plus tard. Là-bas, il est nommé chef du génie sous les ordres de l'amiral [[Amédée Courbet]]. Chargé de fortifier la base de [[Chilung]] (organiser la communication, fortifier et loger), Joffre suit l'objectif de remporter la mainmise sur le [[Tonkin]] dans la [[guerre franco-chinoise]]<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}53</ref>.
Deux ans plus tôt, en avril [[1883]], l'[[Annam]] avait accordé un [[protectorat]] français sur le Tonkin contre l'avis de la [[Civilisation chinoise|Chine]]. Nommé chef du génie à [[Hanoï]], Joseph Joffre organise les postes de défense du Tonkin septentrional (juillet 1885). Il tente d'améliorer les hôpitaux, d'ouvrir de nouvelles routes, des digues et des bureaux pour l'[[armée française]]. Son supérieur écrit :
{{citation_bloc|Officier très intelligent et instruit. Capable, zélé, tout dévoué à son service. A déjà eu l'occasion de faire de grands travaux de fortification [..]. Par son mérite, par sa manière de servir, cet officier est digne d'arriver aux grades élevés de l'armée du génie.|Colonel Mensier, été 1885<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}54</ref>}}
Au mois de septembre suivant, la Chine abandonne toute prétention sur le Tonkin. Très satisfait de son subalterne, Courbet fait décorer l'officier du génie de la [[Légion d'honneur]] le 7 septembre. En janvier [[1887]], le capitaine Joffre obtient sa première citation pour sa participation, au sein de la colonne Brissaud, aux opérations contre la position retranchée de Ba Dinh. Il y dirige les travaux de sape contre la citadelle assiégée et joue un rôle dans la victoire : il est cité à l'ordre de la division du Tonkin (mars [[1887]]). En janvier 1888, il quitte le Tonkin pour faire le tour du monde (Chine, Japon et États-Unis)<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}56</ref>.
De retour en France en octobre [[1888]], il est attaché au cabinet du directeur du génie et promu au grade de [[Commandant (grade)|commandant]] l'année suivante. [[Chef de bataillon]], il est affecté au [[5e régiment du génie|5{{e}} régiment du génie]] à [[Gare de Versailles - Matelots|Versailles]] où il se spécialise dans la [[Chemin de fer militaire|logistique ferroviaire]]. En [[1891]], on le retrouve chargé de cours à l'[[École d'application de l'artillerie et du génie]] à [[Fontainebleau]]. En octobre [[1892]], le commandant Joffre est envoyé en [[Afrique]] dans la région du [[Soudan français]] (aujourd'hui le [[Mali]]) réclamé par le colonel [[Louis Archinard]]. Ici, son objectif est de diriger la construction d'une ligne de chemin de fer entre [[Kayes (Mali)|Kayes]], la capitale de la région depuis 1892, et [[Bamako]]<ref>Michal Tymowski, « Les esclaves du commandant Quiquandon », ''Cahiers d'études africaines'', 158, 2000</ref>.
En décembre [[1893]], [[Louis Albert Grodet]] succède au général Archinard comme gouverneur du [[Soudan français]]. Paris lui demande d'étendre la conquête française, mais de manière pacifique à la différence de son prédécesseur. En déplacement à [[Tombouctou]] avec son secrétaire le lieutenant Boiteux en janvier [[1894]], Grodet est irrité par les officiers français. Prétextant un danger réel et malgré le refus du gouverneur, le lieutenant-colonel Bonnier envoie deux colonnes de troupes, terrestre et navale, pour les protéger. La colonne terrestre est confiée au commandant Joffre alors mêlé à « la campagne de 1894 ». Bonnier ayant péri au cours d'une bataille contre les [[Touareg]]s, ce sont les hommes de Joffre qui prennent avec succès Tombouctou le 12 février<ref>Michal Tymowski, {{opcit}}</ref>. Le commandant supérieur du Soudan français déclare : {{citation|D'un esprit élevé, d'un caractère conciliant et très droit, Joseph Joffre a su mettre de côté toutes les questions de peu d'importance qui auraient pu soulever quelques difficultés et compromettre la bonne entente avec les chefs de service [...] .}}<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}80</ref>
Après la prise et la pacification de Tombouctou, Joffre est promu commandant supérieur de Kayes-Tombouctou avec le grade de [[lieutenant-colonel]] (mars 1894). À son départ, la région semble pacifiée. En mars [[1895]], il est affecté à l'[[état-major]] du génie et secrétaire de la Commission d'examen des inventions pour l'Armée. Il revoit une ancienne connaissance, Henriette Penon, mariée, avec qui il a ''une histoire'' et un enfant, Germaine, née le 1{{er}} janvier 1898<ref>Le doute ne cessera de peser pour savoir si l'enfant est bien de Joffre ou du mari de sa maîtresse. A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}62</ref>. Nommé [[colonel]] deux ans plus tard, il participe sous les ordres du général [[Joseph Gallieni]], gouverneur général de [[Madagascar]], à la campagne de colonisation de l'île lancée depuis [[1895]]-[[1896]]. Joffre est alors chargé de la fortification du port de [[Diego-Suarez]] pour lutter contre la poche de résistance malgache qui irrite beaucoup Gallieni. À cause d'intrigues politiques, il est contraint de repartir en métropole (janvier [[1901]])<ref>À Paris, certains membres du haut commandement et des parlementaires sont hostiles à la promotion de Joffre à Madagascar pour des raisons encore inconnues.</ref>. Entre-temps, il est promu [[général de brigade]] et rappelé par Gallieni. Joffre est de retour à Madagascar pour achever sa mission (avril [[1902]]). Son travail exécuté, il retourne en France au cours du printemps [[1903]] ; il est fait commandeur de la Légion d'honneur<ref>A., {{opcit}}, {{p.}}68</ref>.
=== À la tête de l'armée française ===
Après un bref passage comme commandant de la 19{{e}} brigade de cavalerie à [[Vincennes]], il est nommé directeur du génie au ministère de la Guerre en janvier 1904. Le 26 avril 1905, âgé de 53 ans, il épouse civilement Henriette Penon. La même année, il obtient sa troisième étoile en tant que [[général de division]] et il devient le nouveau chef de la 6{{e}} division d'infanterie à Paris (1906), puis inspecteur permanent des écoles militaires (janvier 1907)<ref name="minDef" />. En mai 1908, le divisionnaire prend en charge le commandement d'un [[corps d'armée]] : le 2{{e}} corps d'armée à Amiens. Le général Joffre devient membre du Conseil supérieur de Guerre en mars 1910. Il prend une part active dans l'élaboration des plans de stratégie militaire contre l'[[Allemagne]]<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}98</ref>.
Le 19 juillet 1911, le général Victor-Constant Michel, chef d'État-Major et président du Conseil supérieur de guerre, présente son plan XVI. Celui-ci propose une attente défensive et un élargissement du front jusqu'à la Belgique en mobilisant tous les réservistes. Il est rejeté à l'unanimité par les membres du Conseil. Le 28 juillet, qualifié d'« incapable » par le ministre de la Guerre [[Adolphe Messimy]], il est destitué de ses fonctions en Conseil des ministres<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}102</ref>.
Messimy réforme le haut commandement militaire français. Les fonctions de chef d'État-Major général et de [[généralissime]] ne font plus qu'une. Dans un premier temps, le général Gallieni, 62 ans, est consulté pour prendre la tête de l'Armée ; mais il refuse en faisant état de la limite d'âge (64 ans) et de sa santé fragile. Deux autres généraux sont proposés : [[Paul Pau]] et Joseph Joffre. Le général Pau refuse pour deux raisons : son âge (62 ans) et le fait que le gouvernement aura son mot à dire sur la nomination de ses officiers généraux. Par défaut, c'est Joffre qui est nommé le 28 juillet 1911<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}104</ref>.
Il est un des plus jeunes généraux de l'époque (59 ans), également un des rares officiers de haut rang à avoir une expérience internationale (Formose 1885, Japon 1888) et enfin il a été un des brillants artisans de l'enracinement de la France dans tous les territoires d'Outre-mer (Tonkin, Soudan français, Madagascar). Le 2 août 1911, le généralissime exige la nomination du remuant général [[Édouard de Castelnau]] pour le seconder à la tête de l'État-Major<ref>Joffre doit imposer son charisme de chef militaire pour que les politiques acceptent l'entrée du général Castelnau qui connaît depuis quelques années de nombreuses hostilités dans le milieu politico-militaire pour ses tendances cléricale et nationaliste. Castelnau a notamment été écarté du commandement de l'Armée par le général André ministre de la Guerre en 1900-1902</ref>.
En août 1911, éclate le [[coup d'Agadir]] ; il y a danger de guerre. Le président du Conseil [[Joseph Caillaux]] se renseigne auprès de Joffre :
<blockquote>
{{citation|Général, on dit que Napoléon ne livrait bataille que lorsqu'il pensait avoir au moins {{unité|70|%}} de chances de succès. Avons-nous {{unité|70|%}} de chances de victoire si la situation nous accule à la guerre ?}}<br />
{{citation|Non, je ne considère pas que nous les ayons}} répond Joffre.<br />
{{citation|C'est bien, alors nous négocierons…}} décide Caillaux<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}105</ref>
</blockquote>
Conscient que le conflit est proche et de dimension mondiale, Joffre réorganise et modernise une armée qui fonctionne encore comme en 1870 ! Il obtient des financements conséquents, met en place les aspects logistiques, les infrastructures indispensables et enfin il mise sur de nouvelles unités : l'artillerie lourde et l'aviation. En dernier lieu, le généralissime consolide durant l'année 1913 les rapports avec la [[Russie]] et l'[[Angleterre]], avec qui la France s'est engagée militairement au sein de la [[Triple Entente]] depuis août 1907<ref name="minDef" />.
Au cours de l'été 1914, l'armée française achève de combler une partie de son handicap face au puissant voisin grâce à l'organisation du généralissime Joffre. Le 11 juillet, le généralissime est fait [[Légion d'honneur|Grand-croix de la Légion d'honneur]].
== L’offensive à outrance ==
=== La coopération franco-britannique ===
En juillet [[1911]], suite à la [[Coup d'Agadir|crise d'Agadir]] occasionnée par l'envoi d'une [[canonnière]] [[Allemagne|allemande]], le général [[Henry Hughes Wilson]], directeur des opérations au ministère de la Guerre, se rend à Paris pour suivre les manœuvres françaises. Les Anglais coopèrent avec la France mais ils poussent Caillaux à réagir fermement vis-à-vis de l'Allemagne. Joffre témoigne :
{{citation_bloc|C'est [...] du début de cette période que datent les premières conversations entre l'État-Major français et l'État-Major britannique. Le général Wilson vint en France travailler avec nous et préparer le débarquement éventuel d'un corps expéditionnaire britannique. Il fut le premier et bon ouvrier de cette collaboration<ref>J. Joffre, ''Mémoires du Maréchal Joffre (1910-1917)'', Paris, Plon, 1932, {{p.}}16</ref>.}}
Au fil des mois, le rapprochement des Français et des Britanniques se précise. On décide du volume de soldats britanniques disponibles, qui seraient prêts à intervenir en cas de conflit et à quel moment :
{{citation_bloc|Nous souhaiterions savoir si les relations établies entre états-majors sont la conséquence d'un traité ou d'un accord verbal entre les deux gouvernements, ou bien s'ils résultent d'un consentement tacite entre ceux-ci. En outre, peut-on admettre que, selon toutes probabilités, l'Angleterre serait à nos côtés dans un conflit contre l'Allemagne ?}}<ref>J. Joffre, {{opcit}}, {{p.}}108</ref>
Le chef d'État-Major exige que l'Armée soit profondément réformée (la doctrine militaire, les règlements, le matériel, le haut commandement et la mobilisation), alors qu'elle est divisée par l'[[affaire des fiches]] et les influences politiques. D'ailleurs, le 19 juillet 1913 une loi instituant le [[Conscription|service militaire]] à trois ans est votée<ref>Entre 1872 et 1913, le service militaire était de deux années pour chaque homme. L'objectif est de pallier la supériorité numérique des Allemands.</ref>. Le nouveau haut commandement élabore divers plans d'offensive dont le fameux [[plan XVII]]. Ce dernier est l'œuvre d'un des stratèges de l'État-Major qui donne des conférences au Centre des Hautes Études Militaires, le colonel [[Louis Loyzeau de Grandmaison|Louis Grandmaison]] pour qui — comme pour beaucoup d'officiers français — l'objectif primordial est la récupération de l'Alsace-Lorraine perdue en 1871<ref>Michel Goya, ''La Chair et l'acier'', Paris, Tallandier, 2004</ref>. Joffre fait également établir des thèmes de travail et des règlements qu'on expérimente lors des manœuvres sur le terrain.
Le 21 février 1912 a lieu une réunion secrète au [[Ministère des Affaires étrangères (France)|Quai d'Orsay]] à Paris, à laquelle le général Joffre est présent : l'objectif est la mise en commun des différentes mesures des États-majors russes, britanniques et français. Rapidement la question de la neutralité belge arrive dans les débats. En janvier 1912 à ce sujet, le président du Conseil, [[Raymond Poincaré]] conseille à Joffre de se montrer prudent afin de ménager l'opinion anglaise :
{{citation_bloc|En tout état de cause, il faudrait assurer qu'un plan de ce genre ne déterminerait pas le gouvernement britannique à nous retirer son concours<ref>''Les dividendes de l’Entente cordiale : les accords militaires franco-britanniques avant 1914'' sur le site du service historique du [[Ministère de la Défense (France)|ministère de la Défense français]] {{lire en ligne|lien=http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/04histoire/articles/articles_rha/dividendes.htm}}</ref>.}}
Joffre prévoit dans son plan XVII une pénétration préventive en [[Belgique]] mais le gouvernement l'en dissuade. En effet, en novembre 1912, la Belgique est toujours hésitante sur le parti à prendre dans le cas d'un conflit franco-allemand et elle semble pencher du côté allemand<ref name="jj126">J. Joffre, {{opcit}}, {{p.}}126</ref>. Donc si la France viole la première la neutralité belge, l'armée belge marchera sûrement avec les Allemands. Cette situation provoquerait un embarras diplomatique avec l'Angleterre et donnerait un avantage numérique consolidé à la [[Triple-Entente|Triple-Alliance]]<ref name="jj126"/>.
=== Mise en place du plan XVII ===
{{Article détaillé|Plan XVII}}
[[Image:Schlieffen Plan fr.svg|thumb|Le plan Schlieffen et le plan XVII]]
Le plan XVII esquisse une stratégie : la victoire dépend de la supériorité des forces morales. Il s'agit pour la plupart des généraux de reprendre les provinces perdues uniquement grâce à l'esprit combatif et à la volonté des soldats seulement armés de fusils à [[Baïonnette (arme)|baïonnette]] accompagnés du [[Canon de 75 Modèle 1897|canon de 75]] : la guerre à outrance. Stratégiquement, pour Joffre la clé de la victoire c'est de {{citation|rompre le front adverse pour déboucher sur les vastes espaces où la « vraie » guerre pourrait avoir lieu<ref>Collectif, ''14-18 : Mourir pour la patrie'', Paris, Seuil, 1992, {{p.}}87</ref>}}. Pourtant certains se montrent plutôt hostiles à la proposition du généralissime : c'est le cas du capitaine Bellanger, du général [[Jean-Baptiste Eugène Estienne|Estienne]], du général [[Charles Lanrezac|Lanrezac]] et du colonel [[Philippe Pétain|Pétain]].
Ces derniers préconisent plutôt la puissance matérielle de l'artillerie, la manœuvre et l'initiative. D'autant que l'État-Major général sous-estime la puissance militaire allemande. [[Helmuth Johannes Ludwig von Moltke|Helmuth von Moltke]] dirige une armée rapide, facilement manœuvrable et surtout une double stratégie à la fois offensive et défensive (mitrailleuses). Joffre est à la base un officier du génie qui n'a pas reçu les enseignements de l'École de guerre. Il n'a qu'une maigre expérience de la direction d'une armée et il fait confiance aveuglément au plan XVII en minimisant le rôle de l'artillerie lourde<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}85-86</ref>.
Depuis 1904, l'État-Major français est en possession du [[plan Schlieffen]] fourni par un officier allemand félon, qui prévoit la prise de Paris et la défaite française en 41 jours<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}120-121</ref>. Le général Joffre, qui dirige les opérations sur le terrain, est persuadé que les Allemands ne vont pas utiliser toutes leurs réserves — comme le prétendait le général Michel — et qu'ils ne pourront pas à la fois mener une grande offensive en Belgique, comme leur plan le prévoit, et repousser les assauts du plan XVII en [[Lorraine]]. Ce que le généralissime n'a pas prévu, c'est qu'en Lorraine l'ennemi a rassemblé des forces importantes et qu'il a la supériorité du feu (mitrailleuses et artillerie lourde). La plupart des officiers français, eux, ne veulent pas entendre parler de ces armes modernes ; ils les jugent superflues... Excepté le canon de 75, l'artillerie française est très inférieure à l'allemande. Début 1914, l'artillerie lourde française est constituée de 280 pièces pour 848 à l'artillerie allemande<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}164</ref>.
=== Échec du plan XVII : « Surtout, pas d'affolement ! » (J. Joffre) ===
[[Image:Guerre 14-18-Généraux Joffre et de Castelnau-1914.JPG|thumb|Les généraux Castelnau (gauche) et Joffre (centre), c. juillet-août 1914.]]
Le 29 juillet 1914, l'Angleterre demande à la France et à l'Allemagne si elles s'engagent à respecter la neutralité belge en cas de guerre : la France accepte. Le lendemain, Joffre obtient l'autorisation du ministre de la Guerre de replier les troupes de couverture à 10 kilomètres de la frontière afin d'éviter toute provocation. Grâce à cet agissement, la France stigmatise le rôle d'agresseur de l'Allemagne et s'assure l'opinion anglaise et finalement leur aide militaire future. Pourtant l'Angleterre reste encore réservée sur sa position<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}126</ref>.
Le {{1er août}} [[1914]], l'Allemagne et la France décrètent la mobilisation générale. Le 3, l'ambassadeur d'Allemagne von Schoen se présente au président du Conseil [[René Viviani]] : l'[[Première Guerre mondiale#L'entrée en guerre|Allemagne déclare la guerre à la France]]. L'Angleterre annonce le lendemain son intention de se battre aux côtés de la France. Le 5 août, la {{Ire}} armée de [[Alexandre von Klück|von Klück]] déferle sur [[Liège]]<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}131</ref>. Le 8, Joffre, qui ne vole pas au secours des Belges, laisse les Allemands dérouler leur stratégie et ordonne aux {{1re}} et 2{{e}} armées françaises de passer à l'offensive en Lorraine, en Alsace et dans les Ardennes pour attaquer de front les troupes allemandes : c'est la [[bataille des Frontières]]<ref name="Conte_p137">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}137</ref>.
{{clr}}
{| class='wikitable'
|+'''Le Grand Quartier Général (GQG) de Joffre (au 2 août 1914)'''
|- bgcolor=cccccc
! Fonction
! Responsable
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| '''Commandant en chef des opérations'''
| G<sup>al</sup> Joseph Joffre
| 2 août 1914 - 26 décembre 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| '''Major général'''
| G<sup>al</sup> Émile Belin
| 2 août 1914 - 22 mars 1915
|- bgcolor=#DDEEFF
| '''1{{er}} aide major général'''
| G<sup>al</sup> Henri Berthelot
| 2 août 1914 - 22 novembre 1914
|- bgcolor=FFE8D8
| '''2{{e}} aide major général'''
| G<sup>al</sup> Céleste Deprez
| 2 août 1914 - 21 août 1914
|- bgcolor=lightyellow
| '''Directeur de l'Arrière'''
| G<sup>al</sup> [[Étienne Laffon de Ladébat]]
| 2 août 1914 - 30 novembre 1914
|}
{| class='wikitable'
|+'''L'organisation sur le terrain du général Joffre (au 2 août 1914)'''
|- bgcolor=cccccc
! Armée française
! Commandant en chef
! Secteur
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| [[Ire Armée (France, Première Guerre mondiale)|{{1re}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Auguste Dubail]]
| [[Massif des Vosges|Vosges]]
| 2 août 1914 - 5 janvier 1915
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[IIe Armée (France)|2{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Édouard de Castelnau]]
| [[Lorraine]] orientale
| 2 août 1914 - 21 juin 1915
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[IIIe Armée (France)|3{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Pierre Xavier Emmanuel Ruffey]]
| [[Lorraine]] occidentale
| 2 août 1914 - 30 août 1914
|- bgcolor=FFE8D8
| [[IVe Armée (France)|4{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Fernand Louis Armand Marie de Langle de Cary|Fernand de Langle de Cary]]
| [[Aisne (département)|Aisne]]-[[Ardennes (département)|Ardennes]]
| 2 août 1914 - 11 décembre 1915
|- bgcolor=lightyellow
| [[Ve Armée (France)|5{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Charles Lanrezac]]
| [[Ardennes (département)|Ardennes]]-[[Belgique]]
| 2 août 1914 - 3 septembre 1914
|- bgcolor=#efe8ff
| armée des Alpes
| G<sup>al</sup> [[Albert d'Amade]]
| [[Alpes]]
| 2 août 1914 - 17 août 1914
|- bgcolor=#EDEDED
| [[armée d'Alsace]]
| G<sup>al</sup> [[Paul Pau]]
| [[Alsace]]
| 11 août 1914 - 28 août 1914
|- bgcolor=lightyellow
|}
==== Alsace ====
Joffre confie le commandement de l'[[armée d'Alsace]] à l'un de ses proches collaborateurs, le général Pau, dont l'objectif est de libérer en quelques semaines la province perdue. Une partie de la {{1re}} armée dirigée par le général [[Auguste Dubail]] entre en Alsace par [[Belfort]] puis s'établit sur le bord du Rhin le 4 août 1914. Le VII{{e}} corps d'armée entre à [[Thann]] le 7 et à [[Mulhouse]] le 8<ref>. Une fois pour toutes et afin d'éviter d'alourdir le texte, les références précises à l'expérience combattante de Joffre font référence à A. Conte, {{opcit}}</ref>. À Paris on félicite Joffre :
{{citation_bloc|Mon général, l'entrée des troupes françaises à Mulhouse, aux acclamations des Alsaciens, a fait tressaillir d'enthousiasme toute la France. La suite de la campagne nous apportera, j'en ai la ferme conviction, des succès dont la portée militaire dépassera celle de la journée d'aujourd'hui. Mais, au début de la guerre, l'énergique et brillante offensive que vous avez prise en Alsace nous apporte un précieux réconfort. Je suis profondément heureux, au nom du Gouvernement, de vous exprimer toute ma gratitude.|M. Messimy, ministre de la Guerre, au général Joffre, août 1914<ref>''Les opérations en Alsace'', sur le site ''chtimiste.com'' {{lire en ligne|lien=http://www.chtimiste.com/batailles1418/alsace1914.htm}}</ref>.}}
Cependant, la contre-offensive allemande est terrible et rapide, le général Pau est contraint d'évacuer l'ensemble de l'armée d'Alsace le 25 août. Seules Thann et sa région resteront françaises jusqu'à la fin de la guerre. Cette nouvelle provoque un vent d'inquiétude dans toute la France.
[[Image:French heavy cavalry Paris August 1914.jpg|thumb|La cavalerie lourde, en armure, paradant à travers [[Paris]] avant de rejoindre le front, août 1914.]]
==== Lorraine ====
La Lorraine française est quadrillée d'un réseau de places fortifiées conçu par le général [[Raymond Adolphe Séré de Rivières (1815-1895)|Séré de Rivières]] au lendemain de la guerre de 1870 ([[Verdun (Meuse)|Verdun]], [[Toul]], [[Épinal]] et Belfort)<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}143</ref>. Joffre ordonne à la 3{{e}} armée d'avancer jusqu'à [[Sarrebruck]] puis de lancer une offensive sur le [[Luxembourg (pays)|Luxembourg]]. La 2{{e}} armée dirigée par Castelnau s'engage sur le secteur de [[Morhange]] le 19 août. C'est un véritable carnage, l'infanterie française perd {{nombre|8000|hommes}} en deux jours ([[Bataille de Lorraine|bataille de Morhange]])<ref name="refP111-112">Collectif, {{opcit}}, {{p.}}111-112</ref>. Le 20 août, Castelnau ordonne le repli sur [[Lunéville]]. L'autre partie de la {{1re}} armée de Dubail est impliquée dans la [[Bataille de Lorraine|bataille de Sarrebourg]], où le commandant parvient à maintenir ses positions ; mais faute de renfort à l'ouest par la 2{{e}} armée il doit se replier également. Forts de leurs contre-offensives, les Allemands se lancent sur [[Nancy]], où ils sont héroïquement repoussés par le 20{{e}} corps d'armée dirigé par le général [[Ferdinand Foch|Foch]]<ref name="refP111-112" />.
==== Ardennes ====
Lorsque Joffre apprend que les troupes allemandes pénètrent en Belgique, il réoriente la 5{{e}} armée du général [[Charles Lanrezac|Lanrezac]] vers le nord pour couvrir les autres armées du mouvement tournant sud-sud-ouest prévu par le plan Schlieffen<ref>Dès qu'il apprend la pénétration des Allemands en Belgique le 4 août, le général Lanrezac estime déjà qu'il s'agit d'une armée ennemie plus puissante et plus rapide que prévu. Il en informe le GQG en vain.</ref>. Joffre ordonne à la 5{{e}} armée d'attendre devant [[Charleville-Mézières|Mézières]] et d'affronter la II{{e}} armée de [[Karl von Bülow|von Bülow]] à son arrivée. Plus à l'ouest, le corps expéditionnaire britannique affronte la {{Ire}} armée allemande de von Moltke à [[Mons]]. Cependant manquant d'hommes, Lanrezac fait appel à une division de réserve, qui arrive trop tard. Le 14 août, Lanrezac rencontre Joffre en personne et en lui exposant une seconde fois sa crainte d'une grosse offensive allemande sur l'ouest<ref name="refP111-112" />.
Le généralissime rétorque : {{citation|Nous avons le sentiment que les Allemands n'ont rien de prêt par là.}} (J. Joffre, 14 août 1914).
Les Belges se replient quant à eux le 19 août et les Anglais ne sont pas prêts le 23. Au soir de cette même journée, Lanrezac ordonne de son propre chef la retraite de son armée vers [[Maubeuge]] pour éviter un « nouveau Sedan », c'est-à-dire un enveloppement complet de son armée par l'ennemi. Joffre est furieux<ref>''La bataille de Charleroi'', sur site personnel {{lire en ligne|lien=http://batmarn1.club.fr/charler2.htm}}</ref>.
Le bilan à la fin du mois d'août 1914 est lourd pour l'État-Major français. Ses différentes attaques se sont révélées inutiles et surtout désastreuses : on estime les victimes à plus de {{nombre|100000|morts}} côté français, des soldats en capote bleue et au pantalon rouge qui attaquent de front face aux mitrailleuses allemandes. Quasiment toutes les armées françaises battent en retraite et sont dans l'ensemble désordonnées. Joffre ordonne qu'on pourchasse et qu'on exécute non seulement les fuyards mais également tout officier faisant preuve {{Citation|d'insuffisance et de faiblesse, mais encore d'incapacité ou de lâcheté manifeste devant l'ennemi}}<ref>Marc Ferro, ''La Grande Guerre'', Paris, Gallimard, 1969, {{p.}}314</ref>. Depuis le 3 août, le gouvernement autorise le commandement militaire à faire exécuter les sentences de mort<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}120</ref>. L'État-Major allemand décide de se diriger sur Paris.
{{citation_bloc|Nos troupes si visibles avec leurs culottes rouges, nos officiers plus visibles encore avec leur tenue différente de celle de la troupe et l'obligation que leur faisait le Règlement de se tenir nettement hors du rang, s'étaient aventurées sur des polygones parfaitement repérés, où artillerie et infanterie tiraient à coup sûr.|Capitaine Georges Kimpflin, ''Le Premier Souffre''<ref>Capitaine Georges Kimpflin, ''Le Premier Souffre'', Paris, Perrin, 1920 (cité dans : Roger Fraenkel, ''Joffre, l'âne qui commandait des lions'', Paris, Éditions Italiques, 2004, {{p.}}136-137)</ref>}}
{{citation_bloc|L'erreur de nos États-majors dirigeants a été de ne croire qu'à la guerre de mouvement et de nier la guerre de siège, de la nier non seulement avant, mais pendant la guerre elle-même.|Général Rouquerol<ref name="Collectif_p87">Collectif, {{opcit}}, {{p.}}87</ref>}}
== « Je ne sais qui l’a gagnée, mais je sais qui l'aurait perdue » (J. Joffre) ==
=== La bataille de Guise ===
Joffre ordonne à la 5{{e}} armée de Lanrezac le lancement d'une offensive de flanc contre la II{{e}} armée allemande autour de [[Guise]] afin de soulager d'une part le corps expéditionnaire anglais épuisé et d'autre part pour reprendre [[Saint-Quentin]]. Le 28 août, le général [[Douglas Haig]] fait savoir que son corps ne pourra pas renforcer Lanrezac à Saint-Quentin<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}211</ref>.
À l'est, les hommes du général [[Fernand Louis Armand Marie de Langle de Cary|de Langle de Cary]] (4{{e}} armée) se battent héroïquement face aux Allemands. Le commandant en chef vient en personne au QG de Lanrezac ; il est très optimiste et il espère une belle offensive sur Saint-Quentin :
{{citation_bloc|Pousser l'attaque à fond, sans s'inquiéter de l'Armée anglaise.|J. Joffre, 28 août 1914}}
Le 29, von Bülow lance une grande offensive sur Guise. Le 10{{e}} corps d'armée et le 51{{e}} division de réserve sont contraints de reculer. L'attaque sur Saint-Quentin est désormais impossible, sinon la 5{{e}} armée risque d'être prise en écharpe. Joffre revient au QG de Lanrezac qui doit modifier l'avancée. Au lieu d'attaquer Saint-Quentin, le 3{{e}} corps d'armée oblique sur la droite pour attaquer Guise par l'ouest. Ce dernier est aidé par le retour du 10{{e}} corps qui attaque par le sud. La supériorité numérique allemande est écrasante, et von Bülow est maître de l'Oise<ref name="p146">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}146</ref>.
Le 1{{er}} corps du général [[Louis Franchet d'Espèrey|Franchet d'Esperey]] est dépêché sur place. Il dirige l'assaut contre les troupes et les ponts : le X{{e}} corps allemand est arrêté puis l'ensemble de l'armée allemande bat en retraite vers le nord. Le 18{{e}} corps français s'arrête aux portes de Saint-Quentin.
Le commandant allemand appelle alors son homologue von Klück afin qu'il vienne en renfort à la tête de sa {{Ire}} armée. Cette dernière, qui se dirigeait sur Paris, change sa direction et bifurque plein sud<ref name="p146"/>.
=== Stratégie de Joffre ===
==== L'organisation sur le terrain du général Joffre (au 3 septembre 1914) ====
{| border=0 cellpadding=2 cellspacing=2 width=80%
|- bgcolor=cccccc
! Armée française
! Commandant en chef
! Secteur
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| [[Ire Armée (France, Première Guerre mondiale)|{{1re}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Auguste Dubail]]
| [[Massif des Vosges|Vosges]]
| 2 août 1914 - 5 janvier 1915
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[IIe Armée (France)|2{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Édouard de Castelnau]]
| [[Lorraine]] orientale
| 2 août 1914 - 21 juin 1915
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[IIIe Armée (France)|3{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Maurice-Paul-Emmanuel Sarrail|Maurice Sarrail]]
| [[Lorraine]] occidentale
| 30 août 1914 - 22 juillet 1915
|- bgcolor=FFE8D8
| [[IVe Armée (France)|4{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Fernand Louis Armand Marie de Langle de Cary|Fernand de Langle de Cary]]
| [[Aisne (département)|Aisne]]-[[Ardennes (département)|Ardennes]]
| 2 août 1914 - 11 décembre 1915
|- bgcolor=lightyellow
| [[Ve Armée (France)|5{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Louis Franchet d'Esperey]]
| [[Ardennes (département)|Ardennes]]-[[Belgique]]
| 3 septembre 1914 - 31 mars 196
|- bgcolor=#efe8ff
| [[VIe Armée (France)|6{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Michel Joseph Maunoury|Michel Maunoury]]<ref>Maunoury est sous les ordres du G<sup>al</sup> Gallieni, gouverneur militaire de Paris.</ref>
| [[Paris]]
| 17 août 1914 - 13 mars 1915
|- bgcolor=#EDEDED
| [[IXe Armée (France)|9{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Ferdinand Foch]]
| Autour de Paris
| 29 août 1914 - 7 octobre 1914
|- bgcolor=lightyellow
|}
Le 1{{er}} septembre 1914, Joffre esquisse la nouvelle situation stratégique. Il a la bonne idée de déplacer l'aile gauche de la 5{{e}} armée sur Paris, puisque les Allemands ont pour objectif la capitale française et l'enveloppement des armées. Le commandant en chef en profite pour rencontrer Lanrezac au QG de la 5{{e}} armée à [[Sézanne]]. Accompagné du commandant [[Maurice Gamelin]], il lui annonce qu'il est obligé de lui enlever le commandement de l'armée, où il sera remplacé par Franchet d'Esperey :
{{citation_bloc|Vous faites des observations à tous les ordres qu'on vous donne !|J. Joffre, 3 septembre 1914<ref>A. Conte, {{opcit}}</ref>}}
Lanrezac dira à la suite de cette entrevue :
{{citation_bloc|À la place du général Joffre, j'aurais agi comme lui ; nous n'avions pas la même manière de voir les choses, ni au point de vue tactique ni au point de vue stratégique ; nous ne pouvions pas nous entendre.|C. Lanrezac, 1920<ref>J. Isaac, ''Joffre et Lanrezac. Étude critique des témoignages sur le rôle de la 5{{e}} armée (août 1914)'', Paris, éd. Chiron, 1922</ref>}}
Pourtant, dès le début de la guerre Joffre avait observé :
{{citation_bloc|Si je venais à manquer, c'est Lanrezac qui devrait me remplacer|J. Joffre, été 1914<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}276. Joffre retire son commandement afin de maintenir de bonnes relations avec l'État-Major britannique qui n'apprécie guère le général Lanrezac.</ref>}}
Le généralissime prépare un piège à l'ennemi :
* Si les Allemands attaquent Paris et Verdun, ils affaiblissent leur centre.
* S'ils négligent au contraire ces forteresses et qu'ils attaquent les lignes françaises, ils exposent leurs flancs à une double manœuvre enveloppante préparée entre Paris et Verdun.
Joffre met son plan en marche :
* Verdun est renforcé et prêt à soutenir un siège.
* La 6{{e}} armée est créée des suites de l'armée d'Alsace (26 août 1914). L'objectif de son commandant, le général [[Michel Joseph Maunoury|Maunoury]] est double : couvrir Paris et envelopper par la gauche les armées ennemies.
* La 9{{e}} armée est créée avec des éléments de la 3{{e}} et de la 4{{e}} armée (5 septembre 1914). L'objectif de son commandant, le général Foch, est de lancer des offensives centrales, appuyées par la 4{{e}} armée de Langle de Cary.
* La 3{{e}} armée confiée au général [[Maurice-Paul-Emmanuel Sarrail|Maurice Sarrail]] a également un double objectif : envelopper par la droite les armées ennemies et gérer la défense des forts de la Meuse (Verdun).
* Joffre prend personnellement le commandement du camp de Paris.
Le 3 septembre, Franchet d'Esperey arrive à proximité de la Marne avec sa 5{{e}} armée. Le général Maunoury dirige la protection de la capitale extra-muros pendant que la protection intérieure est organisée par le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris. Sarrail s'apprête à enrayer la V{{e}} armée du Kronprinz. Quant à Joffre, qui transfère son QG de [[Vitry-le-François]] à [[Bar-sur-Aube]], il organise l'ensemble avec un calme imperturbable<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}167</ref>.
À Paris, face à la menace, le gouvernement est parti à [[Bordeaux]]. Durant la journée, un avion d'observation de la 6{{e}} armée décèle un changement important dans la marche des armées allemandes : une colonne ennemie se détourne de Paris pour se rabattre sur [[Meaux]]. Gallieni, qui vient de comprendre la manœuvre d'enroulement allemande en informe le GQG et demande l'autorisation de lancer la 6{{e}} armée dans le flanc de cette armée ennemie<ref name="Collectif_p214">Collectif, {{opcit}}, {{p.}}214</ref>.
Le 4 septembre, après plusieurs heures de réflexion et un problème de coordination avec Gallieni, le général Joffre est décidé : il va attaquer. Le 6 au matin, il lance toutes les armées à l'attaque.
{{citation_bloc|Gallieni me demandait au téléphone. Il venait de rentrer de son quartier général. Il avait trouvé mon télégramme lui prescrivant de porter la 6{{e}} armée sur la rive gauche de la Marne, au sud de Lagny. Cette prescription venait modifier les ordres que Gallieni lui-même avait donnés à Maunoury pour le lendemain après-midi. Je le rassurai en lui faisant connaître que, depuis l'envoi de mon télégramme de treize heures, j'avais pris la résolution d'engager une offensive générale à laquelle la 6{{e}} armée devait participer [...]<ref>J. Joffre, {{opcit}}</ref>}}
=== Bataille de la Marne ===
{{Article détaillé|Première bataille de la Marne}}
[[Image:Taxi-marne.JPG|thumb|[Taxis de la Marne|Taxi de la Marne exposé à l'[[Hôtel des Invalides]]]]
La tactique de Joffre est claire : les ailes gauche (6{{e}} armée, appuyée par la 5{{e}} armée et l'armée anglaise) et droite (3{{e}} armée) ont pour mission d'envelopper les armées allemandes et le centre (9{{e}} et 4{{e}} armées) de les déstabiliser par des offensives frontales. Le 5 septembre, dans l'après-midi, le général Maunoury lance ses hommes dans une attaque enveloppante entre l'[[Ourcq]] et [[Château-Thierry]]. Les hommes de French, de Franchet d'Esperey et de Foch appuient cette attaque. Le commandant en chef prend le soin d'envoyer un message aux troupes :
{{citation_bloc|Au moment où s'engage une bataille d'où dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis, et se faire tuer sur place, plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée|J. Joffre, 5 septembre 1914<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}213</ref>}}
L'ensemble des armées lance l'offensive le lendemain à l'aube. Sur l'aile gauche, von Klück, occupé avec le mouvement enveloppant de Maunoury, n'arrive pas à venir à bout de l'armée de Foch pourtant épuisée mais qui tient bon. Sur l'aile droite, Sarrail est en mauvaise posture entre Paris et Verdun, ses corps sont durement touchés, le chef de la 10{{e}} division est mort au combat<ref name="Collectif_p214"/>. Le 7 septembre, les Allemands arrivent même à ouvrir une brèche entre la 3{{e}} et la 4{{e}} armée. La situation est critique pour Sarrail. Le lendemain, le 15{{e}} corps de la 2{{e}} armée lui arrive en renfort. Au soir du 8, les armées sont épuisées et le bilan est un ''statu quo'' :
* À gauche, von Klück enraye le mouvement de Maunoury.
* Au centre, Foch et Langle de Cary contiennent à peine les affrontements frontaux.
* À droite, Sarrail se maintient à grand peine et est menacé de dos.
La clé de la victoire vient de l'arrière français : l'armée de [[John French|French]] et la 5{{e}} armée de Franchet d'Esperey sont encore fraîches alors que les Allemands n'ont plus de réserves pour le moment. Le 9, von Klück lance des assauts désespérés contre Maunoury, qui est mis à mal mais qui obtient des renforts en hommes et en matériels de Gallieni par le biais des fameux [[taxis de la Marne]]. De son côté, Foch est appuyé par le 10{{e}} corps de la 5{{e}} armée et par la division marocaine du général Humbert. Les Allemands entament leur retraite. Le 9, Franchet d'Esperey envoie alors l'ensemble de ses lignes à la poursuite de l'ennemi et libère Château-Thierry et [[Montmirail (Marne)|Montmirail]]<ref name="chtimiste">''La Bataille de la Marne'', sur le site ''chtimiste.com'' {{lire en ligne|lien=http://www.chtimiste.com/batailles1418/marne.htm}}</ref>.
Le 13 septembre, Joffre annonce la victoire au gouvernement :
{{citation_bloc|Notre victoire s'affirme de plus en plus complète. Partout l'ennemi est en retraite. À notre gauche, nous avons franchi l'Aisne en aval de Soissons, gagnant ainsi plus de cent kilomètres en six jours de lutte. Nos armées au centre sont déjà au niveau de la Marne et nos armées de Lorraine et des Vosges arrivent à la frontière.|J. Joffre, 13 septembre 1914<ref name="chtimiste" />}}
La paternité de la victoire de la Marne est complexe. À la base elle a été permise grâce au général Lanrezac, un officier de génie non reconnu par Joffre qui, par sa victoire à Guise, a neutralisé en partie l'armée de von Bülow qui devait rejoindre von Klück sur Paris. Bien entendu, elle a découlé des conceptions de l'État-Major général, à la base de la création des 6{{e}} et 9{{e}} armées qui ont eu un rôle majeur, mais elle n'a pas suivi la tactique d'enveloppement de départ préparée par Joffre. Les généraux Gallieni et Maunoury, véritables artisans sur le terrain de la victoire, ont obligé l'ennemi à découvrir son centre droit, où une brèche s'est ouverte pour les hommes de French et de Franchet d'Esperey.
== Stabilisation du front ==
[[Image:Western front 1914.jpg|thumb|Le front occidental durant l'automne-hiver 1914.]]
=== Première gloire ===
La bataille de la Marne couvre de gloire le général Joffre qui, aux yeux de tous, est le véritable vainqueur. Face aux quelques polémiques, le général Pétain dit : {{citation|Que cela plaise ou non, Joffre est à jamais le vainqueur de la Marne.}} Le commandant en chef a permis de sauver Paris et d'éviter à l'armée française l'anéantissement. Dans tout le pays ainsi que chez les Alliés, Joffre jouit d'une très grande popularité. Le « vainqueur de la Marne » fait l'objet d'un véritable culte qui se maintiendra jusqu'à sa mort. Une certaine « joffrolâtrie » s'installe en France. De nombreuses [[Image d'Épinal|images d'Épinal]] montrent le chef comme le vainqueur ayant écarté le danger. Des poèmes, des assiettes, des statuettes à son effigie mettent en avant sa gloire. Des centaines d'enfants sont prénommés Joffre ou Joffrette tant en France qu’au Canada ou aux États-Unis. Il incarne le « Père » tranquille et protecteur qui tient dans ses bras la République (allégorie du journal ''Le Rire rouge'', automne 1914)<ref>R. Fraenkel, {{opcit}}, {{p.}}165</ref>.
Pourtant, l'ennemi renaît rapidement de ses cendres sur l'Aisne. L’État-Major français comprend alors que la guerre, qu'on pensait conclure en quelques semaines, risque d'être plus longue que prévue. Une seconde responsabilité incombe à Joffre : préparer la France à une guerre longue et éprouvante<ref name="chtimiste" />. Il commence par envoyer à Limoges et à assigner à résidence 134 généraux qui lui semblent incompétents (de là naîtra le verbe « limoger »), il multiplie les inspections sur le terrain, il renforce les contacts avec les forces alliées pour constituer différents fronts d'attaque et enfin il tente de résoudre des problèmes proprement militaires.
Joffre continue de veiller aux progrès de l'aéronautique, qui a une place à part entière dans le conflit. Le 8 octobre 1914, il affirme :
{{citation_bloc|Ces résultats montrent que l'aviation est à même de rendre les plus grands services et de justifier la confiance que le commandement place en elle.|J. Joffre, note du 8 octobre 1914<ref>Joffre, Service historique de Défense/DAA</ref>}}
Il doit aussi faire face à une crise des munitions, à un manque de canons lourds, à l'absence de l'artillerie qui se font sentir au cours de la bataille de l'Aisne.
=== De la Course à la mer aux batailles du Nord ===
[[Image:General Joffre and Prince Alpert reviewing troops Gw.png|thumb|Le général Joffre et Albert {{Ier}}, roi des Belges, automne 1914.]]
==== La bataille de l’Aisne (13 septembre - 24 septembre 1914) ====
Après leur défaite sur la Marne, les divisions allemandes se replient vers le nord, sur l'Aisne, entre le 10 et le 14 septembre. Quant à Joffre, il veut profiter de sa posture de vainqueur et ordonne aux armées françaises et britanniques d'attaquer les armées ennemies le 13. Encore une fois, il préconise la tactique d'enveloppement du flanc droit allemand. Sur le [[Chemin des Dames]], déjà en 1914, le corps expéditionnaire et la 6{{e}} armée ne parviennent pas à venir à bout d'un ennemi équipé d'une puissante artillerie lourde<ref>''?'' sur le site ''chtimiste.com'' {{lire en ligne|lien=http://www.chtimiste.com/batailles1418.htm}}</ref>.
Le 17, la manœuvre de Joffre est un échec, les Allemands renforcent leur droite avec la VII{{e}} armée de [[Josias von Heeringen|von Heeringen]] venue en renfort. Mais décidé à en finir en enveloppant par le nord-ouest, il appelle une partie des troupes de Castelnau, stationnées en Lorraine. Le 20, une énergique offensive française est lancée entre [[Noyon]] et [[Péronne (Somme)|Péronne]]. En vain. Les lignes françaises manquent de matériel pour lancer des offensives efficaces (munitions, stocks divers, nourriture, artillerie lourde). Le commandant des forces allemandes, [[Karl von Bülow|von Bülow]], a imaginé un efficace retranchement de ses troupes et lance à son tour des contre-manœuvres qui obligent l'armée française à s'allonger sans cesse vers le nord. Cet étalement du front jusqu'à [[Dunkerque]], c'est le début de la [[Course à la mer]] et de la guerre de position<ref name="cthimiste2">''La Course à la mer'', sur le site ''chtimiste.com'' {{lire en ligne|lien=http://www.chtimiste.com/batailles1418/course%20a%20la%20mer.htm}}</ref>.
À partir du 18 septembre, les combats continuent autour du massif de l'Aisne ; l'armée anglaise essuie de lourdes pertes. Trois jours après, le général Castelnau fait son entrée à Noyon, mais il ne peut s'y maintenir longtemps. Cependant, les lignes allemandes sont contenues. Le 22, il faut désormais déloger l'ennemi de ses positions : la 4{{e}} Brigade du Maroc (tirailleurs sénégalais et algériens) se lance avec beaucoup de courage dans les bois et permet de gagner du terrain. Les prochaines attaques se révèlent infructueuses<ref name="cthimiste2" />.
==== De Noyon à Dunkerque (24 septembre - 4 novembre 1914) ====
La 2{{e}} armée subit un ralentissement de son avancée de jour en jour. Joffre rappelle Castelnau à l'ordre :
{{citation_bloc|Rectifiez la marche de vos deux corps de gauche orientée trop à l'est, et redressez-la franchement vers le nord !| J. Joffre, septembre 1914<ref name="cthimiste2" />}}
En effet, c'est toujours plus vers le nord que tout se joue. Là-bas, la cavalerie allemande du général [[Georg von der Marwitz|von Marwitz]] harcèle les lignes françaises dans le secteur de [[Ham (Somme)|Ham]]. Le 24, Joffre prend connaissance du fait que les Allemands ont amené toutes leurs forces qu'ils avaient en Belgique. Il écrit au ministre de la Guerre [[Alexandre Millerand]] :
{{citation_bloc|Le moment est venu pour l'armée belge d'agir sur les communications de l'ennemi.|J. Joffre, 24 septembre 1914<ref name="persoMarsouin18">''La bataille des Flandres, 1914, les troupes françaises et alliées commandées par Joffre et Foch repoussent une nouvelle offensive allemande. La victoire des Flandres complète celle de la Marne'', sur site personnel {{lire en ligne|lien=http://pageperso.aol.fr/marsouin18/Flandres1.html}}</ref>}}
À partir du 26, l'ensemble des divisions françaises se heurtent à des forces ennemies considérables. Il faut des renforts autour d'[[Amiens]]. Joffre organise efficacement la venue de nouvelles divisions par camions et par trains en provenance de [[Compiègne]]. Le général Castelnau se maintient péniblement dans le Sud. Il organise plutôt efficacement la situation sur le long terme, mais il n'a pas assez de moyens matériels et d'hommes pour lutter contre von Bülow. Le 2 octobre, les combats font rage au nord d'[[Arras]] vers [[Lens (Pas-de-Calais)|Lens]] et [[Béthune]]. L'objectif du commandement allemand est d'empêcher la remontée des troupes françaises vers le nord avec l'arrivée de nouveaux renforts<ref name="cthimiste2" />.
Le 3 et le 4 octobre, le 10{{e}} corps d'armée de Castelnau subit plusieurs échecs en [[Artois]]. Il prévoit de reporter ses troupes en arrière. Mais Joffre lui ordonne d'aller de l'avant, car sinon cela « donnerait l'impression d'une défaite ». Le corps est bombardé dans les faubourgs d'Arras. Joffre préconise aux commandants français qu'ils doivent veiller à ce que l'inviolabilité du front soit maintenue. Il télégraphie aux généraux d'armée :
{{citation_bloc|Fortifiez-vous le plus possible sur tout votre front. Agissez avec le maximum d'énergie. Nous étudions les moyens de vous amener des renforts.|J. Joffre, octobre 1914<ref name="persoMarsouin18" />}}
Le commandant en chef envoie des renforts, surtout des troupes anglaises et belges dans les Flandres. Le roi [[Albert Ier de Belgique|Albert {{Ier}}]] déclare même qu'il est prêt à recevoir les instructions de Joffre. L'objectif est d'aider les Belges à se maintenir sur l'[[Yser]] et empêcher toute offensive contre Dunkerque et [[Calais]]. Au début de novembre 1914, la sécurité de l'armée française dans le Nord est consolidée surtout avec l'arrivée de la 42{{e}} division puis du 9{{e}} corps d'armée.
==== La bataille des Flandres (mi-octobre – mi-novembre 1914) ====
L'État-Major allemand ordonne la prise de Calais. Les alliés (Français, Anglais et Belges) mettent tout en œuvre pour défendre la région. Au GQG, les généraux Belin et Berthelot, adjoints de Joffre, organisent admirablement les transports des troupes. L'armée d'Urbal devient l'armée de Belgique.
Finalement, l'Allemagne est vaincue. La seule bataille d'Ypres lui coûte plus de {{nombre|150000|hommes}}. Dunkerque et Calais ne sont plus menacés. Après la victoire de la Marne, celle des Flandres popularise davantage le général Joffre<ref name="persoMarsouin18" />.
=== Nouvelles offensives : Artois et Champagne ===
[[Image:Le Rire - Joffre.jpg|thumb|« Le silencieux : Joffre<br /><small>Il ne dit rien mais chacun l'entend. »<br />Dessin de [[Charles Léandre]] paru dans<br />''[[Le Rire|Le Rire Rouge]]'' du 19 décembre 1914.</small>]]
==== La stratégie du général Joffre ====
À partir de l'hiver 1914-1915, le front occidental se stabilise de la mer du Nord à Belfort sur près de {{unité|750|km}}. Le conflit a déjà occasionné la perte de {{nombre|850000|hommes}} aux différents belligérants, que ce soit en morts, disparus, blessés ou prisonniers. Depuis l'épisode de la Marne, [[Erich von Falkenhayn]] remplace von Moltke à la tête de l’État-Major allemand et en novembre, les lignes allemandes sont en difficulté sur le front russe. Falkenhayn ordonne l'envoie de renforts sur le front oriental<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}256</ref>. Joffre, qui a connaissance de ce transfert, veut une percée sur le front ouest pour déstabiliser l'ennemi. Le 8 décembre 1914, il met au point deux offensives principales : en Artois et en [[Champagne (province)|Champagne]] ; les opérations seront exécutées par la 4{{e}} armée de Langle de Cary et la 10{{e}} armée de Maud'huy. En prévision, le généralissime garde à sa disposition deux divisions à [[Compiègne]], une à [[Soissons]], une autre à [[Bar-le-Duc]] et enfin les divisions du Gouvernement militaire de Paris. Pour Joffre, il « les grignote » et encore une fois l'année 1915 est marquée par la volonté d'obtenir la « rupture »<ref name="Collectif159">Collectif, {{opcit}}, {{p.}}159</ref>.
Il prévoit également des offensives secondaires en Flandres, en [[Argonne (région)|Argonne]] et en Meuse. Le but est de détourner l'adversaire des zones principales d'attaque d'Artois et de Champagne. Il s'agit principalement des Flandres et de [[Ovillers-la-Boisselle|La Boisselle]], respectivement confiées à la 8{{e}} armée du général d'Urbal et à la 2{{e}} armée du général Castelnau. Enfin, le dernier dispositif de Joffre réside dans la présence de deux armées défensives : la 6{{e}} armée de Maunoury et la 5{{e}} armée de Franchet d'Esperey dans l'Aisne et à [[Reims]]<ref name="Collectif159" />.
==== L'opération en Artois (17 décembre 1914 - 15 janvier 1915) ====
L'offensive artésienne a pour but de « libérer définitivement le territoire national envahi »<ref name="Collectif_p87"/>.
Le général Maud'huy, qui est installé à [[Cambligneul]], lance l'attaque le 17 décembre 1914. Ses objectifs sont [[Vimy]] et la route Arras-[[Souchez]]. Pour désorienter l'ennemi, on commence l'offensive sur La Bassée. Le général Foch, le commandant du groupe du Nord, arrive le 17 pour prendre les opérations en main. Le 21, il lance une attaque sur [[Carency]], mais le terrain se révèle très difficile, les tranchées sont inondées, les hommes épuisés et les fusils enrayés : les pertes françaises sont lourdes. Finalement, l'artillerie française tient tête aux attaques allemandes. Après de nouvelles attaques meurtrières et inutiles, le général Joffre décide de limiter l'action de la 10{{e}} armée à des entreprises ponctuelles et de mettre au repos les troupes le 15 janvier 1915<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}158-159</ref>.
Il est à noter que cette opération artésienne n'est mentionnée ni dans les ''Mémoires'' de Joffre ni ceux de son adjoint Foch. Pour le général [[Marie Émile Fayolle|Fayolle]] : {{citation|Ce projet me paraît stupide, insensé.}}<ref name="Collectif_p87"/>
==== Les opérations en Champagne (20 décembre 1914 - 9 janvier 1915) ====
D'après le dispositif de Joffre, la 4{{e}} armée du général Langle de Cary est couverte à droite par celle du général Sarrail entre l'Argonne et la Meuse. Le {{Ier}} [[Armée coloniale|corps colonial]] est le premier à s'élancer le 20 décembre. Il repousse une contre-attaque ennemie, mais les pertes sont lourdes.
Dès le 22, on se contente d'organiser le terrain conquis et de repousser les contre-attaques allemandes. Le 24 suivant, la 33{{e}} division prend des positions importantes de la région. Pourtant, le 25, le commandant des opérations modifie son plan et ordonne une poussée vers l'est ([[Perthes (Ardennes)|Perthes]]-[[Massiges]]). Le 30 décembre, il n'y a plus de progression possible, le temps est exécrable et le GQG n'envoie pas assez de munitions. Au total {{nombre|5256|soldats}} ont été tués et la ligne est remontée de deux kilomètres vers le nord<ref name="repriseDeLOffensive">''La Reprise de l’offensive'', sur le site ''chtimiste.com'' {{lire en ligne|lien=http://www.chtimiste.com/batailles1418/repriseoffensive.htm}}</ref>.
==== Les offensives secondaires (Flandres et La Boisselle) ====
En Flandre, Joffre préconise l'attaque à d'Urbal lorsque l'artillerie sera prête. Néanmoins, les Anglais sont tellement impatients que l'attaque est lancée le 14 décembre 1914. Les résultats se révèlent rapidement insuffisants. Le 17, le 20{{e}} corps s'empare de {{unité|500|m|2}} de tranchées mais ailleurs, l'ennemi semble invincible. Le terrain est tellement impraticable que Joffre propose au commandant d'adopter la défensive lorsque c'est nécessaire.
Plus au sud, à La Boisselle, Castelnau ordonne l'attaque le 17 décembre sans même lancer l'artillerie. La contre-attaque allemande est meurtrière, les pertes sont lourdes et les gains faibles. Castelnau suspend l'offensive jusqu'au 24. Ce jour, le 118{{e}} Régiment prend en partie La Boisselle malgré une violente attaque allemande et garde ses positions<ref name="repriseDeLOffensive" />.
En Argonne, le général Dubail dirige la {{1re}} et la 3{{e}} armée. Du 7 au 12 décembre, l'offensive ne rencontre aucun obstacle et s'empare des tranchées ennemies. Mais une contre-attaque provoque {{nombre|250|morts}}. Le 13, le terrain est également impraticable dans la [[Woëvre]] ; comme ailleurs aucune offensive n'est possible. Le 20, l'infanterie prend avec beaucoup de difficultés Boureuilles, mais menacée d'enveloppement, elle doit se retirer. Globalement, les opérations sont un échec<ref name="repriseDeLOffensive" />.
Enfin, les armées défensives subissent elles aussi de graves revers. Dans l'Aisne, la 6{{e}} armée de Maunoury attaque le plateau de Loges, mais elle subit de lourdes pertes ({{nombre|1600|morts}}). À Reims, les hommes de Franchet d'Esperey doivent maintenir les forces allemandes pour soulager la 4{{e}} armée française mais aucune offensive ne réussit<ref name="repriseDeLOffensive" />.
En Artois comme en Champagne, les offensives sont stériles, aucune avancée marquante en cet hiver 1914-1915. Joffre persiste, le plan est maintenu pour le printemps 1915.
=== Joffre et l’opinion publique ===
{| class='wikitable'
|+'''Le Grand Quartier Général (GQG) de Joffre (au 22 mars 1915)'''
|- bgcolor=cccccc
! Fonction
! Responsable
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| '''Commandant en chef des opérations'''
| G<sup>al</sup> Joseph Joffre
| 2 août 1914 - 26 décembre 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| '''Commandant en chef adjoint des opérations'''
| G<sup>al</sup> Ferdinand Foch
| 4 octobre 1914 - 13 juin 1915
|- bgcolor=FFE8D8
| '''Major général'''
| G<sup>al</sup> Maurice Pellé
| 22 mars 1915 - 20 décembre 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| '''1{{er}} aide major général'''
| G<sup>al</sup> [[Alphonse Nudant|Alphonse-Pierre Nudant]]
| 22 mars 1915 - 23 juin 1915
|- bgcolor=FFE8D8
| '''2{{e}} aide major général'''
| G<sup>al</sup> Frédéric Hellot
| 22 mars 1915 - 23 juin 1915
|- bgcolor=lightyellow
| '''3{{e}} aide major général et responsable de l'arrière'''
| C<sup>el</sup> Camille Ragueneau
| 30 novembre 1914 - 4 mai 1917
|}
==== L’organisation sur le terrain du général Joffre (au 22 mars 1915) ====
{| class='wikitable'
|- bgcolor=cccccc
! Armée française
! Commandant en chef
! Secteur
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| [[Ire Armée (France, Première Guerre mondiale)|{{1re}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Pierre Auguste Roques]]
| [[Massif des Vosges|Vosges]]
| 5 janvier 1915 - 25 mars 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[IIe Armée (France)|2{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Édouard de Castelnau]]
| [[Lorraine]] orientale
| 2 août 1914 - 21 juin 1915
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[IIIe Armée (France)|3{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Maurice-Paul-Emmanuel Sarrail|Maurice Sarrail]]
| [[Lorraine]] occidentale
| 30 août 1914 - 22 juillet 1915
|- bgcolor=FFE8D8
| [[IVe Armée (France)|4{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Fernand Louis Armand Marie de Langle de Cary|Fernand de Langle de Cary]]
| [[Aisne (département)|Aisne]]-[[Ardennes (département)|Ardennes]]
| 2 août 1914 - 11 décembre 1915
|- bgcolor=lightyellow
| [[Ve Armée (France)|5{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Louis Franchet d'Esperey]]
| [[Ardennes (département)|Ardennes]]-[[Belgique]]
| 3 septembre 1914 - 31 mars 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[VIe Armée (France)|6{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Pierre Dubois]]
| Autour de Paris
| 13 mars 1915 - 26 février 1916
|- bgcolor=#EDEDED
| [[VIIe Armée (France)|7{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Henri Putz]]
| ?
| 7 septembre 1914 - 2 avril 1915
|- bgcolor=#DDEEFF
| Détachement armée de Lorraine
| G<sup>al</sup> [[Georges Louis Humbert|Georges Humbert]]
| [[Lorraine]] occidentale
| 9 mars 1915 - 24 juillet 1915
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[Xe Armée (France)|10{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Louis Ernest de Maud'huy|Louis de Maud'huy]]
| [[Artois]]
| 1{{er}} octobre 1914 - 2 avril 1915
|- bgcolor=#FFE8E8
| Armée de Paris
| G<sup>al</sup> [[Joseph Gallieni]]
| [[Paris]]
| 26 août 1914 - 29 octobre 1915
|}
Au {{1er}} janvier 1915, Joffre a, de nouveau, limogé de nombreux généraux. Depuis le début de la guerre on en est à 162 dans la zone des armées (dont 3 commandants d'armée, 24 de corps d'armée, 71 de division{{nobr|, etc.}}). Les raisons sont multiples : soit le commandant a échoué dans sa mission, soit il est incapable d'assumer ses fonctions, soit encore il fait partie des nombreux officiers généraux républicains placés par le général [[Louis André (général)|Louis André]] lorsqu'il était ministre de la Guerre (1900-1902), au cours d'une époque très anticléricale<ref name="Conte_p137"/>.
En ce début d'année 1915, la situation militaire est nouvelle : les deux armées sont bloquées face-à-face ; aucune manœuvre n'est possible. Les généraux sont formés à l'attaque mobile, aux manœuvres mais pas à une guerre de tranchées. Joffre qui dispose désormais de {{nombre|2250000|hommes}}, de {{nombre|286000|Britanniques}} et de {{nombre|110000|Belges}} ordonne la reprise de l'offensive pour percer le front allemand et revenir à une guerre mobile comme au début du conflit<ref>Collectif, {{opcit}}, p</ref>. Certains de ses subordonnés, tel le général Gallieni, proposent plutôt la défensive, plus appropriée à ce type de conflit. Le lieutenant-colonel Messimy, ancien ministre de la Guerre (1911-1912) devenu chef de corps sur le front, écrit :
{{citation_bloc|Ces offensives prises partout au hasard, sans idée d'ensemble, sans plan stratégique !|A.-M. Messimy, janvier 1915}}
Joffre n'en démord pas. Il est hanté à l'idée d'une défaite russe sur le front oriental. Pourtant, malgré des moyens énormes en Champagne, la 4{{e}} armée essuie échec sur échec. La percée est ratée en décembre, de nouveau en janvier, de nouveau en mars. Les pertes françaises sont au total de {{nombre|92000|morts}}. En mai, Foch conduit en vain la deuxième offensive artésienne avec sept corps d'armée, {{nombre|780|pièces}} d'artillerie légère, {{nombre|213|d'artillerie}} lourde et plusieurs escadrilles aériennes.
==== La troisième offensive de Champagne (24-29 septembre 1915) ====
En Artois, une nouvelle offensive est lancée le 9 septembre 1915 entre [[Loos-en-Gohelle]] et Arras contre la VI{{e}} armée du prince Rupprecht. Malgré l'aide des Anglais, les violentes offensives françaises restent stériles : deux semaines plus tard, à peine {{unité|600|mètres}} de terrain sont conquis. Le 16 juin, une dernière offensive généralisée est lancée, mais les soldats sont épuisés et les pertes sont une nouvelle fois énormes : au total, {{nombre|2260|officiers}} et {{nombre|100300|soldats}} y laissent la vie. Joffre ordonne la suspension de l'offensive. Le commandant en chef est sévèrement critiqué à Paris.
Après l'échec en [[Artois]], zone trop « étroite », Joffre veut concentrer ses attaques sur la Champagne qui semblerait être le secteur de prédilection de l'armée française. On se bat également en Argonne, où la 3{{e}} armée de Sarrail prête main forte sur l'aile droite de la 4{{e}} armée. Ici aussi, une seconde fois, les combats sont sanglants. Le 24 septembre, Joffre donne à lire une déclaration à tous les soldats :
{{citation_bloc|Soldats de la République ! Après des mois d'attente qui nous ont permis d'augmenter nos forces et nos ressources, tandis que l'adversaire usait les siennes, l'heure est venue d'attaquer pour vaincre et pour ajouter de nouvelles pages de gloire à celles de la Marne et des Flandres, des Vosges et d'Arras. Derrière l'ouragan de fer et de feu déchaîné grâce au labeur des usines de France, où vos frères ont nuit et jour travaillé pour vous, vous irez à l'assaut tous ensemble, sur tout le front, en étroite union avec les armées des Alliés. Votre élan sera irrésistible. Il vous portera d'un premier effort jusqu'aux batteries de l'adversaire au-delà des lignes fortifiées qu'il nous oppose. Vous ne lui laisserez ni trêve ni repos jusqu'à l'achèvement de la victoire. Allez-y de plein cœur pour la délivrance du sol de la patrie, pour le triomphe du droit et de la liberté. Joffre.|J. Joffre, 24 septembre 1915<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}312-313</ref>}}
L'attaque est lancée le 24 à {{heure|9|45}}. Les soldats portent le nouvel uniforme bleu horizon et un casque. Joffre a nommé le général Castelnau responsable de la manœuvre. Ce dernier dirige la 2{{e}} armée du général Pétain et la 4{{e}} de Langle de Cary. Pétain commence par lancer le corps colonial, mais les réserves arrivent avec du retard. Les pertes sont lourdes. Langle de Cary attaque à gauche, mais la situation est encore pire. Le 27, la situation n'a progressé que de quelques mètres. Pétain suspend l'attaque. Castelnau la relance le 28 mais l'élan est brisé par les gaz asphyxiants. Pris d'urgence, Castelnau doit abandonner l'offensive le 29. Les munitions manquent toujours terriblement :
{{citation_bloc|En définitive, la lutte sur le front franco-anglo-belge pendant l'année 1915 apparaît comme une course entre notre matériel offensif chaque jour grandissant, et les organisations défensives allemandes de jour en jour plus solides<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}311</ref>.}}
==== Les opérations en Orient (mars - octobre 1915) ====
En février 1915, le président de la République [[Raymond Poincaré]], déçu des échecs à répétition, propose une percée ailleurs qu'en France, en Serbie par exemple. Joffre y est catégoriquement opposé et menace de démissionner. Poincaré cède. Pourtant l'aventure des Dardanelles revient sur le tapis et c'est [[Winston Churchill]] qui en est l'artisan. Il prévoit de rétablir la liaison avec la Russie, de porter un coup contre l'Autriche-Hongrie, d'influencer les Balkans et l'Italie et enfin d'installer l'Angleterre sur les détroits. Joffre ainsi que French et Wilson ne sont pas du même avis. La mission a néanmoins lieu le 18 mars. C'est un échec sanglant pour les Alliés et l'Angleterre : {{nombre|20000|tués}} sur les {{nombre|28000|soldats}} britanniques partis au front<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}319</ref>.
Suite à de nombreux échecs en Argonne et aux rapports houleux entre les deux hommes, Joffre retire à Sarrail le commandement de 3{{e}} armée. Il est accusé de dissimuler ses erreurs de manœuvre et de ne pas avoir fortifié suffisamment les forteresses dont il avait la charge ; il est remplacé par le général Humbert. Sarrail traite Joffre de « dictateur en puissance »<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}320</ref>. Cependant, l'ancien commandant a de nombreuses relations au Parlement : on lui propose l'armée de Lorraine ; mais Joffre refuse. Commence une furieuse campagne contre le commandant en chef : [[Georges Clemenceau|Clemenceau]], [[René Viviani|Viviani]], [[Hubert Lyautey|Lyautey]], [[Paul Doumer|Doumer]], [[Paul Painlevé|Painlevé]] lui sont hostiles. En août 1915, Sarrail accepte de prendre le commandement de l'armée d'Orient dont l'objectif est d'entrer à [[Thessalonique|Salonique]]. L'opération échoue dès novembre. Le 16 janvier 1916, Joffre est contraint de confier à Sarrail le commandement des troupes interalliées de [[Macédoine (région)|Macédoine]].
Le généralissime reste optimiste et rassure le ministre :
{{citation_bloc|Nous devons avoir la conviction que, en augmentant nos ressources en munitions, en perfectionnant notre organisation matérielle, en donnant plus d'ampleur encore à nos attaques, nous parviendrons à briser les lignes allemandes que nos dernières opérations ont réussi à entamer si largement. Contraints de lutter sur deux fronts, nos adversaires ne pourront pas se constituer des disponibilités aussi fortes que les nôtres, tant que nous n'aurons de notre côté qu'un front à alimenter.|J. Joffre, 3 octobre 1915<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}90</ref>}}
== Verdun et la Somme : l’épuisement du chef ==
[[Image:Haig Joffre and French at the Front Gws joffrefrhaig 01.png|thumb|Le général français Joffre et les généraux britanniques Haig et French sur le front occidental 1914-1915.]]
=== La préparation de 1916 : une nouvelle année offensive ===
==== Les conférences de Calais et de Chantilly (décembre 1915) ====
Les principaux chefs alliés se réunissent d'abord à Calais sous la direction du président du Conseil [[Aristide Briand]]. La France prévoit l'envoi de renforts à l'armée d'Orient à Salonique, mais la Grande-Bretagne déclare qu'elle retire ses troupes avant de revenir sur ses positions. Il est aussi décidé d'évacuer la zone des Dardanelles où au total, {{nombre|225000|Britanniques}} et {{nombre|40000|Français}} ont péri pour rien. Enfin le général Joffre souligne qu'à son goût, la coopération interalliée est nettement insuffisante et il réclame une aide majeure dans la guerre économique<ref name="Conte334">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}334</ref>.
Les jours suivants, ces mêmes chefs se retrouvent à [[Chantilly]] pour superviser les plans militaires de l'année à venir. Joffre défend le projet d'une nouvelle offensive — décisive — sur la [[Somme (fleuve)|Somme]]. Depuis quelques jours, il a une autorité plus importante. Il dirige désormais l'opération de Salonique, il a été nommé commandant de tous les fronts français et il se proclame chef interallié<ref name="Conte334" />.
==== La tactique de Joffre ====
Une nouvelle fois, le président Poincaré met en garde Joffre sur les offensives à venir. Il serait selon lui plus sage de lancer des attaques sûres et non plus au hasard. Car au 1{{er}} janvier 1916, les pertes françaises depuis le début de la guerre sont de {{nombre|600000|hommes}}. L'opinion continue de gronder. Le général Joffre se défend : sans offensive, Falkenhayn en aurait déjà fini avec les Russes ; on ne peut laisser la France immobile et être envahie ; durant l'offensive de Champagne, les Allemands étaient prêts à lâcher. Foch a la responsabilité de préparer une vaste offensive dans la Somme au moyen de trois armées durant l'été 1916<ref name="Collectif91">Collectif, {{opcit}}, {{p.}}91</ref>.
Sur les conseils des généraux Pétain, Fayolle et Maud'huy, le généralissime tire les leçons des échecs de 1915 et présente une nouvelle tactique d'attaque. Il faut profiter de la guerre immobile pour reprendre son souffle, dit-il. Désormais on va chercher « l'usure de l'ennemi » ; une attaque frontale le déstabilisera, l'artillerie lourde attaquera ses points faibles. D'autre part, on établit également « la décision » : l'effort n'interviendra que si l'usure semble suffisante. Ces nouveautés entraînent une réorganisation totale de l'artillerie à l'échelle de la France. Trois centres de formation pour officiers ouvrent même leurs portes à Châlons, Amiens et Toul. En un an, la production de canons lourds est passée de 740 à plus de {{formatnum:2000}} et celle d'obus de {{formatnum:4000}} à {{formatnum:11000}} par jour. Joffre reconnaît ses erreurs et ne souhaite plus les réitérer<ref name="Collectif91" />.
=== La bataille de Verdun : le début de la fin pour Joffre ===
{{Article détaillé|Bataille de Verdun}}
{| class='wikitable'
|+'''Le Grand Quartier Général (GQG) de Joffre (au 1{{er}} février 1916)'''
|- bgcolor=cccccc
! Fonction
! Responsable
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| '''Commandant en chef des opérations'''
| G<sup>al</sup> Joseph Joffre
| 2 août 1914 - 26 décembre 1916
|- bgcolor=FFE8D8
| '''Major général'''
| G<sup>al</sup> Maurice Pellé
| 22 mars 1915 - 20 décembre 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| '''1{{er}} aide major général'''
| C<sup>el</sup> Louis Poindron
| 22 janvier 1916 - 21 janvier 1918
|- bgcolor=FFE8D8
| '''2{{e}} aide major général'''
| C<sup>el</sup> Henri Claudel
| 22 janvier 1916 - 2 mai 1917
|- bgcolor=lightyellow
| '''3{{e}} aide major général et responsable de l'arrière'''
| C<sup>el</sup> Camille Ragueneau
| 30 novembre 1914 - 4 mai 1917
|}
==== L’organisation sur le terrain du général Joffre (au 1{{er}} février 1916) ====
{| class='wikitable'
|- bgcolor=cccccc
! Armée française
! Commandant en chef
! Durée
|- bgcolor=#FFFFDD
| [[Ire Armée (France, Première Guerre mondiale)|{{1re}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Pierre Auguste Roques]]
| 5 janvier 1915 - 25 mars 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[IIe Armée (France)|2{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Philippe Pétain]]
| 21 juin 1915 - 1{{er}} mai 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[IIIe Armée (France)|3{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Georges Humbert]]
| 22 juillet 1915 - 15 octobre 1918
|- bgcolor=FFE8D8
| [[IVe Armée (France)|4{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Henri Joseph Eugène Gouraud|Henri Gouraud]]
| 11 décembre 1915 - 14 décembre 1916
|- bgcolor=lightyellow
| [[Ve Armée (France)|5{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Louis Franchet d'Esperey]]
| 3 septembre 1914 - 31 mars 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| [[VIe Armée (France)|6{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Pierre Dubois]]
| 13 mars 1915 - 26 février 1916
|- bgcolor=#EDEDED
| [[VIIe Armée (France)|7{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Étienne de Villaret]]
| 3 novembre 1915 - 19 décembre 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| Détachement Armée de Lorraine
| G<sup>al</sup> [[Céleste Deprez]]
| 5 novembre 1915 - 31 décembre 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| [[Xe Armée (France)|10{{e}} armée]]
| G<sup>al</sup> [[Victor Louis Lucien d'Urbal|Victor d'Urbal]]
| 2 avril 1915 - 4 avril 1916
|- bgcolor=#FFE8E8
| Armée de Paris
| G<sup>al</sup> [[Michel Joseph Maunoury|Michel Maunoury]]
| 5 novembre 1915 - 6 avril 1916
|- bgcolor=#DDEEFF
| Armée d'Orient
| G<sup>al</sup> [[Maurice-Paul-Emmanuel Sarrail|Maurice Sarrail]]
| 3 octobre 1915 - 11 août 1916
|}</center>
Le 15 décembre 1915, le général Gallieni met en garde Joffre :
{{citation_bloc|Toute rupture du fait de l'ennemi survenant dans ces conditions engagerait non seulement votre responsabilité mais celle du gouvernement !|J. Gallieni, 15 décembre 1915}}
Le généralissime trouve scandaleux que de telles craintes circulent sans son consentement<ref>[[Guy Pedroncini]], ''Présentation de la bataille de Verdun'' {{pdf}} {{lire en ligne|lien=http://www.memorial-de-verdun.fr/pdf/histoire/pedroncini.pdf}}</ref>. Le 5 août 1915, le GQG avait trouvé nécessaire de désarmer en partie les forts de la Meuse pour y transférer les canons sur la Somme. Il ne manque pas de rappeler à Gallieni qu'il a, lui seul, la conduite des opérations. À ceux qui trouvent cela risqué il répond : « Mais non ! Les Allemands n'attaqueront pas dans ce secteur ! ». Le lieutenant-colonel Émile Driant, député et commandant des 56{{e}} et 59{{e}} bataillons de chasseurs à pied, est l'un de ceux qui sont réputés alarmistes : Joffre menace de le déférer en Cour martiale<ref name="p340">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}340</ref>.
De son côté, Falkenhayn se rend compte que la situation est critique pour l'Allemagne, dans les domaines militaire comme économique : il faut « saigner » l'ennemi à tout prix. Dans un premier temps, il choisit Belfort, puis redoutant la réaction helvétique, il se concentre sur Verdun. C'est une place forte stratégique française mais qui manque de communications : il sait qu'une partie du chemin de fer est de l'autre côté du front, les renforts français n'arriveront que par une petite voie au compte-gouttes. En parallèle, la 2{{e}} armée s'engagera en Champagne et la 3{{e}} sur la Somme. L'attaque est lancée le 21 février 1916<ref name="p340" />.
Joffre et Foch, très occupés à la préparation de l'offensive sur la Somme, sont totalement pris au dépourvu. Les Allemands bombardent Verdun sans arrêt pendant trois semaines. Le [[fort de Douaumont]] est pris le 23 février et en quelques jours, les pertes françaises sont hallucinantes : {{nombre|25000|soldats}} hors de combat, {{nombre|150|pièces}} d'artillerie détruites, une bande de {{unité|7|km}} perdue. Pourtant les [[Poilu]]s tiennent le coup. À son tour, le fort de [[Brabant-le-Roi|Brabant]] est pris le 24 et le général Herr, responsable de la région fortifiée, est débordé. Le général De Langle de Cary, qui commande le groupe d'armées du Centre, ordonne le repli sur la rive gauche de la Meuse. Le généralissime reste calme et ordonne fermement de ne pas abandonner la rive droite de la rivière<ref name="p340" />.
Joffre nomme le général Pétain commandant de la défense de Verdun et il envoie Castelnau sur place pour diriger les opérations. Dès le 27 février, Pétain organise ses forces afin de prendre en tenaille l'avance allemande ; le lendemain, la 3{{e}} armée du général Humbert est même placée sous son commandement direct. Le général en chef télégraphie à Pétain :
{{citation_bloc|Tout chef qui dans les circonstances actuelles donnera un ordre de retraite sera traduit devant un Conseil de guerre !|J. Joffre, février 1916<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}342</ref>}}
Enfin il ordonne à Pétain une contre-offensive et à Dubail une attaque par le flanc sud. Le 1{{er}} mars, Pétain frappe avec {{nombre|660|pièces}} d'artillerie lourde. La [[Voie sacrée (Verdun)|Voie sacrée]] permet l'acheminement de {{nombre|23000|tonnes}} de munitions et de {{nombre|190000|soldats}}. Le 6, nouvel assaut de Falkenhayn qui provoque de grosses pertes côté français. Joffre est critiqué au Parlement. Gallieni, ministre de la Guerre entre en conflit avec le généralissime et évoque publiquement les erreurs commises à Verdun. Pourtant Briand ne le suit pas et il doit démissionner. Le général Roques, un ami personnel de Joffre, le remplace. Le haut commandement allemand échoue, ses attaques sur la rive droite de la Meuse sont endiguées et ne donnent pas de meilleurs résultats sur la gauche. Pétain s'exclame : « Courage, on les aura ! » Le 11 mars Joffre écrit à ses soldats :
{{citation_bloc|Soldats de l'armée de Verdun ! Depuis trois semaines, vous subissez le plus formidable assaut que l'ennemi ait tenté contre vous. L'Allemagne escomptait le succès de cet effort qu'elle croyait irrésistible et auquel elle avait consacré ses meilleures troupes et sa plus puissante artillerie. Elle espérait que la prise de Verdun raffermirait le courage de ses alliés et convaincrait les pays neutres de la supériorité allemande. Elle avait compté sans vous ! Nuit et jour, malgré un bombardement sans précédent, vous avez résisté à toutes les attaques et maintenu vos positions. La lutte n'est pas encore terminée, car les Allemands ont besoin d'une victoire. Vous saurez la leur arracher. Nous avons des munitions en abondance et de nombreuses réserves. Mais vous avez surtout un indomptable courage et votre foi dans les destinées de la République. Le pays a les yeux sur vous. Vous serez de ceux dont on dira : « Ils ont barré aux Allemands la route de Verdun ». J. Joffre|J. Joffre, 11 mars 1916<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}347-348</ref>}}
Au mois de juillet 1916, Joffre trouve Pétain finalement trop défensif et il décide de le remplacer par le général [[Robert Georges Nivelle|Robert Nivelle]]. Le 15 juillet, le général [[Charles Mangin|Mangin]] lance sa 37{{e}} division et approche de Douaumont. Globalement chacun reste sur ses positions. Le 13 septembre, le généralissime se rend à Verdun pour planifier avec Nivelle et Mangin une nouvelle attaque. L'assaut est donné le 24 octobre, tout se passe comme prévu. On progresse de trois kilomètres et le 2 novembre, le général Mangin parvient à reprendre le fort de [[Vaux-devant-Damloup|Vaux]]. Joffre est ébloui : {{Citation|Magnifique, incomparable Mangin !}} Le 15 décembre, huit divisions reprennent le haut de la Meuse et {{formatnum:25000}} Allemands sont mis hors de combat. La bataille de Verdun est terminée<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}165-167</ref>.
=== L’offensive sur la Somme ===
Les plans ont été mis au point par les généraux Foch, Joffre et Haig. Il faut attaquer sur les deux rives. Joffre est irrité par les renforts toujours croissants demandés par Pétain à Verdun. Foch qui voulait {{nombre|42|divisions}} et {{nombre|1700|pièces}} d'artillerie lourde aura finalement {{nombre|22|divisions}} et {{nombre|540|pièces}}. Bien entendu, en terrain découvert, la préparation n'échappe pas au haut commandement allemand. Foch envisage deux attaques : une « à cheval » sur la Somme pour appuyer une offensive britannique. Le général Fayolle rappelle qu'il faut mener un assaut organisé et conduit d'objectif en objectif, précédé d'une préparation de l'artillerie lourde. Le généralissime abandonne définitivement l'offensive à outrance<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}354</ref>.
Le 1{{er}} juillet, l'attaque est lancée à l'aube. La 6{{e}} armée de Foch avance de dix kilomètres et fait {{nombre|8000|prisonniers}}, en revanche les Britanniques peinent à franchir les premières positions allemandes. Le général Haig ordonne leur repli ce qui rend Joffre furieux : « Vous attaquerez ! Je le veux ! » crie-t-il<ref name="Conte_p355">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}355</ref>. Finalement, les Anglais sont renvoyés sur le front et Falkenhayn doit transférer des batteries de Verdun à la Somme. Le 15 juillet, les chars blindés sont utilisés. En août 1916, Joffre écrit à ses soldats :
{{citation_bloc|Le moment approche où sous la poussée commune s'effondrera la puissance militaire allemande. Soldats de France, vous pouvez être fiers de l'œuvre que vous avez accomplie déjà. Vous êtes décidés à l'accomplir jusqu'au bout ; la victoire est certaine.|J. Joffre, août 1916 <ref name="Conte_p355"/>}}
Rapidement un conflit naît entre les commandements français et britannique. Haig se décharge des ordres de Joffre. Le généralissime lui demande de se reprendre, en vain. La grande bataille prévue n'aura pas lieu. Dès septembre, les combats ralentissent et le mois suivant, la bataille est quasiment terminée. Joffre et Foch sont déçus, ils ont aéré Verdun, ils ont saigné les Allemands (Falkenhayn est remplacé par [[Paul von Hindenburg]]), mais ils n'ont pas brisé l'énergie ennemie. Les Britanniques estiment que le coût est encore une fois lourd pour de faibles résultats : {{nombre|140000|morts}} et {{nombre|210000|blessés}}. Durant le mois d'octobre, les armées françaises combattent seules, mais sans Londres rien n'est possible<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}357</ref>.
Bien qu'en certains endroits le front ait progressé d'une dizaine de kilomètres à l'avantage des Alliés, l'enlisement de la Somme reste globalement un échec, tout comme Verdun, une victoire « amère ». À l'est, les Roumains déclarent la guerre aux Empires centraux et Joffre leur envoie le général Berthelot. Cependant, la [[Roumanie]] est rapidement écrasée. À Salonique, l'armée de Sarrail ne donne aucun résultat. À Verdun, les Allemands recadenassent la ville. On estime le bilan des batailles : au moins {{nombre|170000|Français}} morts à Verdun, {{nombre|216000|blessés}} et autant, sur la Somme. Joffre est sérieusement critiqué<ref>Guy Pedroncini, {{opcit}}</ref>.
== De la disgrâce à la fin de la guerre ==
=== Maréchal de France malgré lui ===
Joffre impute à Pétain le défaitisme ambiant qui règne à Paris suite aux résultats des batailles de 1916. Selon lui, ce ne serait pas Pétain le « sauveur de Verdun » ; pour lui c'est Nivelle le véritable génie. Dans tous les cas, l'opinion est sérieusement remontée contre le généralissime et dès le mois de juin, le Parlement s'est réuni secrètement afin d'envisager la réorganisation du haut commandement français. Joffre répond :
{{citation bloc|Je ne me laisserai pas tirer dans les pattes. Soit ! Ces messieurs iront où ils voudront, mais flanqués d'officiers de mon État-Major. Je ne puis admettre qu'ils aillent se fournir d'arguments contre mon commandement auprès de certains de mes subordonnés<ref name="p381">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}381</ref>.}}
Le généralissime est aussi en conflit avec Londres. Les Britanniques lui rappellent que, étant donné leur poids dans l'armée alliée, ils pourraient très bien prendre la tête du commandement interallié. L'organisateur de la Somme, le général Foch, est sujet à une vive polémique. Le ministre de la Guerre, le général Roques, dit de lui qu'il est trop vieux et le député Augagneur affirme qu'il sacrifie ses troupes. Enfin, le Parlement fait remarquer à Joffre qu'il n'a pas donné tous les moyens nécessaires à l'armée d'Orient de Sarrail<ref name="p381" />.
Le président du Conseil, Aristide Briand, propose de confier au général Nivelle, un proche de Poincaré, le commandement en chef des armées et de conférer à Joffre le titre honorifique de général en chef des armées françaises, comme conseiller technique du gouvernement. Le généralissime comprend qu'on veuille le mettre dans l'ombre, mais pour lui seul Foch peut lui succéder. Le 7 décembre 1916, Briand annonce à la Chambre (Assemblée nationale), que le GQG va être réorganisé prochainement. Joffre et Foch sont remplacés. Une véritable intrigue se met en place, orchestrée par Poincaré et Briand<ref name="p381" />.
Au même moment, le Président du Conseil contacte le général [[Hubert Lyautey|Lyautey]] (gouverneur du Maroc) pour lui proposer le ministère de la Guerre. Véritable ennemi de Joffre, Lyautey n'accepte pas que ce dernier soit nommé conseiller au sein du ministère de la Guerre. Le 26 décembre, Briand informe Joffre qu'il doit renoncer à toute fonction au gouvernement. L'ancien généralissime doit s'incliner. En échange, il est fait [[maréchal de France]] ; le dernier à avoir reçu cette distinction était le maréchal [[Edmond Le Bœuf]] élevé au maréchalat en 1870. Ce titre honorifique lui est conféré pour éviter tout scandale politique.
=== Mission aux États-Unis ===
{{article détaillé|Les États-Unis pendant la Première Guerre mondiale}}
Suite à la déclaration de guerre du Congrès américain à l'Allemagne, le ministre de la Guerre [[Alexandre Ribot]] propose à Joffre de prêter « son inégalable prestige » et d'accompagner Viviani aux États-Unis. Après avoir hésité, Joffre accepte. En effet, n'ayant pas d'ennemis et n'étant plus en guerre depuis la fin de la [[guerre de Sécession]], les Américains n'ont qu'une armée balbutiante de {{nombre|120000|hommes}}. L'objectif donné à Joffre est de convaincre le président [[Woodrow Wilson]] et de préparer son armée à la guerre. La mission embarque à bord du ''Lorraine II'' le 15 avril à [[Brest]]<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}399</ref>.
Au bout de neuf jours de mer, la mission arrive à [[New York]] le 24 avril. L'amiral Mayo, chef de la flotte américaine de l'Atlantique s'exclame : « Sir, votre présence ici est le plus grand honneur qui puisse être rendu à mon pays ! » Dans les rues, la foule crie « Joffre ! Joffre ! » L'homme est accueilli en héros national. Tous les journaux américains rendent hommage au « vainqueur de la Marne » et on va jusqu'à le comparer à [[Gilbert du Motier de La Fayette|La Fayette]]. Joffre donne une conférence à l'École de guerre sur la situation militaire de l'Europe : il demande les moyens les plus rapides pour une intervention américaine. À Mount Vernon, il dépose sur la tombe de [[George Washington]] la palme offerte aux soldats morts pour la patrie<ref name="p381" />.
Enfin, il désire convaincre le président Wilson qu'il rencontre longuement. Avec lui, il passe en revue chaque détail du conflit : les effectifs français et allemands, l'organisation de l'armée américaine, le transport et le débarquement, l'organisation du commandement... Au ministère de la Guerre, on lui présente le commandant des forces américaines, le général [[John Pershing]]. Au total, dans un premier temps, une division composée de quatre régiments d'infanterie, de douze batteries de campagne et de six batteries lourdes s'embarquent début juin. Le 24 mai, le maréchal Joffre est de retour en France ; il est nommé inspecteur général des troupes américaines. Une nouvelle polémique émerge : contrairement à ce qui était prévu, c'est-à-dire que les Américains servent dans leur armée, le gouvernement Painlevé veut placer des paquets de soldats américains dans les armées franco-britanniques. Joffre refuse et énonce que la parole de la France aux États-Unis est en jeu. Le 13 juin, Pershing est accueilli par Joffre à Paris ; les deux officiers sont reçus triomphalement par les Parisiens<ref name="p381" />.
=== Foch à la tête des Alliés ===
Cependant, il y a toujours énormément de tensions entre les commandements français et anglais. Certains regrettent le départ de Joffre. En août 1917, Painlevé accuse le maréchal de vouloir prendre le pouvoir. Ailleurs en Europe, les Russes se décomposent définitivement et cherchent à signer la paix avec les Allemands, l'armée d'Orient est figée à Salonique et les Italiens sont [[Bataille de Caporetto|écrasés à Caporetto]] (novembre 1917). Face à une situation politique intérieure et extérieure délicate, Poincaré décide de nommer, malgré lui, son rival Georges Clemenceau à la tête du Conseil des ministres<ref name="p411">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}411</ref>.
Le maréchal n'a plus de rôle dans le commandement militaire français, mais on lui demande son avis sur le nom du futur commandant en chef : choisir entre Pétain le défensif et Foch l'offensif. Admirant les deux généraux, Joffre choisit Foch, car il estime que la France ne peut pas rester les bras croisés. Autre point important, le commandement unique. Depuis le départ de Joffre à la tête du commandement français, les Alliés franco-anglais ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le sort de l'Europe ennemie : les empires ottoman et austro-hongrois, la Pologne et l'Allemagne. Le 8 janvier 1918, le président Wilson présente ses [[Quatorze points de Wilson|quatorze points]]<ref name="p411" />.
En mars, la situation devient préoccupante avec la signature d'un traité de paix entre la Russie et l'Allemagne. Hindenburg peut désormais déplacer toutes ses troupes sur le front occidental : 192 divisions d'infanterie contre 172 chez des Alliés (France, Grande-Bretagne, Belgique, Portugal et États-Unis) sans commandement uni. Le 21 mars, Hindenburg et Ludendorff lancent une série d'offensives ; ils sont rapidement à Ham et Péronne. À Amiens, les Britanniques sont en déroute et Clemenceau pense quitter Paris. De son côté, Joffre supplie la présidence de faire nommer Foch généralissime<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}415</ref>. Trois conférences se tiennent au cours de la fin mars : les Alliés ne se mettent pas d'accord et enfin lors d'une quatrième à Beauvais le 15 avril, le général Foch est nommé généralissime de toutes les armées alliées. Joffre lui écrit :
{{citation_bloc|Mon cher ami, j'ai appris avec satisfaction que l'on s'était enfin décidé à vous donner les pouvoirs de commandant en chef des armées alliées. Vous avez une tâche très lourde [...]. Quelles que soient les difficultés de votre tâche, je suis persuadé que vous la mènerez à la bonne fin. Ce que vous avez fait sur l'Yser et dans les Flandres répond du succès de vos opérations actuelles. Tous mes vœux sont avec vous. Joffre|J. Joffre, 16 avril 1918<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}419</ref>}}
En août-septembre 1918, Foch lance trois grandes offensives et deux mois plus tard les Allemands entament une retraite générale. L'armistice est signé le 11 novembre.
== L’après-guerre : la seconde gloire du maréchal Joffre ==
[[Image:Statue of Joseph Joffre Chantilly FRA 001.JPG|thumb|La statue du maréchal Joffre à Chantilly, lieu de son QG pendant la Grande Guerre (inaugurée en juin 1930).]]
=== Hommage de la France ===
Clemenceau ne souhaite pas inviter Joffre parmi les personnalités présentes lors de l'entrée officielle des troupes françaises à [[Metz]] et [[Strasbourg]]. Mais Pétain parvient à le faire venir. Quelques mois plus tôt, le maréchal Joffre avait été élu à l’[[Académie française]] le 14 février 1918 au fauteuil de [[Jules Claretie]]. Cependant il est reçu, en uniforme de général, à la Coupole le 19 décembre et les présidents Wilson et Poincaré sont présents pour l'occasion. Dans son discours, il commence par faire l'éloge de l'Armée, de ses chefs, de Foch, des soldats français, des Alliés, des soldats britanniques, des soldats russes<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}425</ref>... Voici son discours :
{{citation_bloc|Pour louer de tels soldats, les mots sont impuissants et seul mon cœur s'il pouvait laisser déborder l'admiration dont il est pénétré pour eux, traduirait l'émotion que j'éprouve… Je les ai vus, couverts de poussière et de boue, par tous les temps et par tous les secteurs [...] toujours égaux à eux-mêmes, bons et accueillants, affectueux et gais, supportant les privations et les fatigues avec bonne humeur, faisant sans hésitation et toujours simplement, le sacrifice de leur vie [...]|J. Joffre, 19 décembre 1918<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}431</ref>}}
En février 1919, il retourne en cure dans le Roussillon à [[Amélie-les-Bains-Palalda|Amélie-les-Bains]], puis à Rivesaltes, où le maire le reçoit officiellement. Il se recueille devant sa maison natale puis sur la tombe de ses parents. À Paris, le 14 juillet, la foule le réclame afin qu'il défile aux côtés du maréchal Foch à cheval, lors du défilé de la Victoire. Les deux militaires sont accueillis triomphalement. En octobre, c'est la ville de Perpignan qui lui rend hommage, il défile en voiture, la foule est là encore une fois. Le poète catalan Janicot lui écrit même un poème. Dans les autres villes de France, il préside des centaines de banquets d'anciens combattants, des meetings de veuves de guerre, des réunions de grands invalides de guerre, il inaugure des monuments aux morts.
=== Popularité internationale ===
[[Fichier:Marshal Joffre inspecting Romanian troops during WWI.jpg|thumb|right|Maréchal Joffre en [[Roumanie]]]]
De retour à Paris en janvier 1920, il doit partir en Roumanie remettre la [[médaille militaire]] au roi [[Ferdinand Ier de Roumanie|Ferdinand {{Ier}}]] et la Croix de guerre à la ville de [[Bucarest]]. Le maréchal représente aussi la France à [[Belgrade]] et à [[Lisbonne]], où il inaugure le monument du soldat inconnu portugais. Enfin, il se rend à [[Madrid]] où est remise la médaille militaire au roi [[Alphonse XIII d'Espagne|Alphonse XIII]]. Il termine son périple par [[Barcelone]], où il est pris en porte à faux lors de manifestations catalanes et anti-espagnoles : il doit écourter son séjour et part le 7 mai 1920<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}438</ref>.
Le 11 novembre 1921, il embarque sur le paquebot ''Porthos'' à Marseille. Joffre débarque d'abord aux États-Unis, où il a pour mission de renouer l'amitié franco-américaine. Début décembre, il accoste à [[Hô-Chi-Minh-Ville|Saïgon]], puis visite les ruines d'[[Angkor]] et le 1{{er}} de l'an 1922, il arrive en Annam, où il revient à Ba-Dinh (là-même où il fit un siège en 1887, lorsqu'il était officier du génie en Extrême-Orient). Quelques jours plus tard, le maréchal entre à [[Hanoï]], où il remet la Croix de grand officier de la Légion d'honneur au général Puypéroux. Il termine son tour du monde par le Japon, à [[Yokohama]] puis [[Tōkyō]], où il rencontre le prince impérial [[Hirohito]], et enfin la Chine à [[Pékin]] et [[Shanghai]]. Partout où il passe, la foule l'accueille triomphalement<ref>A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}438-447</ref>.
=== Fin de vie ===
[[Image:Louveciennes Mausolée Joffre.JPG|thumb|Le tombeau de Joffre à Louveciennes]]
Il rentre en France, au début de l'année 1922 pour terminer tranquillement une vie bien chargée, âgé de 70 ans. Joffre achète avec sa femme et sa fille une châtaigneraie à [[Louveciennes]] (à l'ouest de Paris), où il fait bâtir un bungalow – type colonial – précédé d'une façade aux colonnades blanches à la manière du Mount Vernon de Washington. En 1928, il termine ses ''Mémoires'' entamés huit ans auparavant, où il raconte ses responsabilités de 1910 à 1917 en deux tomes qui seront édités ''post mortem'' selon sa volonté. C'est à cette époque qu'il perd deux de ses amis : le maréchal Fayolle (27 août 1928) et le maréchal Foch (20 mars 1929)<ref name="p441">A. Conte, {{opcit}}, {{p.}}441</ref>.
Le 21 juin 1930, le maréchal Joffre fait sa dernière apparition publique à l'occasion de l'inauguration de sa statue à Chantilly, où il a tenu son QG pendant la Grande Guerre. Il est très affaibli, car depuis plusieurs mois il a une [[artérite]] des membres inférieurs et peine à se déplacer. Le 19 décembre, d'atroces douleurs aux jambes l'emmènent à l'hôpital : les médecins doivent l'amputer de la jambe droite. Quelques jours plus tard il tombe dans le coma. Le 3 janvier 1931 à 8 h 00, il aurait prononcé ces derniers mots : « J'ai beaucoup aimé ma femme » et « je n'ai jamais fait de mal à personne », puis il s'éteint vers 8 h 20 à 78 ans<ref name="p441"/>.
Des obsèques nationales lui sont organisées le 7 janvier. Quelques jours plus tard, le 11, le Parlement vote une loi déclarant que {{citation|Joseph Joffre, maréchal de France, a bien mérité de la Patrie.}}
== Un personnage controversé ==
[[Image:Joseph Joffre Nw joffre 01 nw.png|thumb|Le maréchal de France Joseph Joffre]]
Joseph Joffre est une personnalité controversée. De son vivant, certains le vénéraient, d'autres le détestaient. Au début du {{s-|XXI|e}}, la Grande Guerre est à la mode dans l'historiographie internationale et le maréchal, longtemps oublié, revient sur le devant de la scène. Joffre est parfois vu comme « le vainqueur de la Marne », ou au contraire comme « le massacreur de 14 ». Son rôle réel dans la victoire de la Marne est très discuté. Durant la guerre et jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, les partisans de Gallieni affrontaient ceux de Joffre.
Le {{Date|28|septembre|2004}}, à l'occasion du 90{{e}} anniversaire de la victoire de la Marne, le [[ministre délégué]] aux Anciens combattants, [[Hamlaoui Mekachera]], citant le général de Gaulle, rend hommage au maréchal Joffre au seuil de son tombeau à Louveciennes :
{{citation_bloc| [...] Si la guerre sanctionne impitoyablement les déficiences et les défaillances, elle ne ménage pas le succès à la valeur et à la vertu. Ce fut la fortune de la France que son armée, demeurée solide en dépit du revers initial, eût alors à sa tête un chef qui ne perdit point l'équilibre<ref>''Allocution de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens combattants à l'occasion du 90{{e}} anniversaire de la victoire de la Marne - Hommage au maréchal Joffre'', 28 septembre 2004, disponible sur le site du [[Ministère de la Défense (France)|ministère de la Défense français]] {{lire en ligne|lien=http://www.defense.gouv.fr/defense/archives/discours_du_ministre_delegue_de_2002_a_2004/d011004/011004b_htm}}</ref>.}}
Joffre est avant tout un bâtisseur. Il exerce brillamment sa spécialité, le génie militaire, en particulier durant ses missions coloniales (Formose, Tonkin, Soudan français et Madagascar). En [[1911]], il accède aux plus hautes fonctions de l'Armée, principalement parce que personne ne le concurrence pour obtenir cette haute responsabilité. Il limite le retard de l'armée à l'entrée en guerre, mais il s'avère un général d'armée relativement médiocre. Aucun de ses plans d'attaque n'est une grande réussite, la victoire de la Marne étant due en grande partie à une grave erreur stratégique allemande. En [[août]] [[1914]], Joffre a près de 40 ans de retard en stratégie militaire sur des généraux comme [[Charles Lanrezac|Lanrezac]] ou [[Pétain]]<ref>R. Fraenkel, ''Joffre, l'âne qui commandait des lions'', Italiques, Paris, 2004</ref>. Et contrairement à ces derniers, il n'a pas fait l'École de guerre.
Sa vision de la guerre est obsolète, il l'envisage comme tenante de l'offensive et héritière de l'épopée napoléonienne. Il ne perçoit pas les problèmes que rencontrent ses commandants d'armée : les troupes d'assaut, en raison de la lenteur de leur progression, s'avèrent incapables de provoquer la rupture tant attendue, alors que les réserves adverses arrivent beaucoup plus rapidement (chemin de fer et camion). Suite aux échecs cuisants que connaît son armée en août-septembre 1914, Joffre en vient même à douter de la « furie française »<ref>Collectif, {{opcit}}, {{p.}}113</ref>. Il ne comprend pas pourquoi les combattants ne chargent pas comme on l'a toujours fait. Il méconnaît l'avantage de la défensive (tranchées, multiples lignes de défense, barbelés) sur l'offensive (exposition des fantassins à l'artillerie, absence de moyens d'assaut réellement efficaces jusqu'à l'arrivée des chars). Ne percevant pas les conséquences et les capacités nouvelles qu'offrent les dernières évolutions technologiques sur les champs de bataille, il en retourne la responsabilité sur les hommes de troupe.
Il est le responsable – de par sa position au sommet de la hiérarchie militaire – de centaines de milliers de morts causés par ses offensives aveugles, souvent critiquées en vain par certains de ses généraux, Fayolle et [[Foch]] entre autres. ''A contrario'', il s'avère plutôt bon diplomate dans ses relations avec les Alliés britannique et surtout américain pendant la guerre mais également comme représentant de la France à l'étranger durant les [[années 1920]]. Son rôle dans la bataille de la Marne de septembre 1914, découle de sa fonction de commandant en chef des armées du Nord-Est à qui incombait la conduite stratégique de la guerre et la coordination avec l'armée anglaise. Il était le seul à pouvoir assumer l'arrêt de la retraite et à décider du jour de la contre-offensive, mais la tactique en elle-même relève naturellement de ses généraux d'armées : Maunoury, Gallieni, Franchet d'Esperey, Foch, de Langle de Carry, Sarrail, Castelnau et Dubail qui ont leur part dans cette victoire.
En outre, Joffre est le symbole de la promotion sociale au plus haut niveau de l'État. Au cours de sa vie, il a toujours su être au bon endroit au bon moment et prendre ses responsabilités : nomination au poste de chef d'État-Major (1911), bâton de maréchal reçu pour éviter tout scandale politique (1916). Pour l'anecdote, des admirateurs, après la bataille de la Marne, se référant à l'exemple napoléonien, firent une demande en [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] afin que lui soit attribué le titre de « duc de la Marne »<ref name="texier">Alain Texier, ''Qu'est-ce que la noblesse ? – Histoire et droit'', éditions Tallandier, coll. {{guil|Approches}}, Paris, 1988, {{nobr|601 p.}} {{ISBN|2235017800|978-2235017800}}, {{p.}}430</ref>. Cette demande fut rejetée mais le Conseil d'État indiqua qu'il lui était possible de changer son nom en « Joffre de la Marne »<ref name="texier"/>. Il n'en fit rien et préféra garder le nom sous lequel il était né.
== Honneurs ==
=== Les distinctions françaises ===
* Chevalier de la [[Légion d'honneur]] (7 septembre [[1885]])
:: Officier de la Légion d'honneur (26 décembre [[1895]])
:: Commandeur de la Légion d'honneur (11 juillet [[1903]])
:: Grand Officier de la Légion d'honneur (11 juillet [[1909]])
:: Grand-Croix de la Légion d'honneur (11 juillet [[1914]])
* [[Médaille militaire]] (26 novembre [[1914]])
* [[Croix de guerre 1914-1918]] avec une palme
* [[Médaille coloniale]] avec agrafe « Sénégal-Soudan » ([[1894]])
* [[Médaille commémorative de l'expédition du Tonkin]] (mars [[1887]])
* Officier de l'[[Ordre du Dragon d'Annam]] ([[1887]])
* [[Médaille commémorative de la guerre 1870-1871]] ([[1871]])
=== Les distinctions étrangères ===
* [[Army Distinguished Service Medal|Distinguished Service Medal]] ([[États-Unis]])
* ''Doctor honoris causa'' d'[[Université Harvard|Harvard]] (États-Unis)
* Grand-Croix du [[Ordre du Ouissam Alaouite chérifien|Ouissam Alaouite chérifien]] ([[Maroc]])
* Chevalier Grand-Croix de l'[[Ordre du Bain]] ([[Royaume-Uni]])
* [[Sceptre de Jade de l'empereur Khai-Dinh]] ([[Annam]], [[1922]])
=== Hommages ===
* Un bâtiment de l'[[École polytechnique (France)|École polytechnique]], à [[Palaiseau]], porte son nom.
* Le parc de [[Quartier Charny de Lévis|Charny]] porte son nom ([[Québec (ville)|Québec]], [[Canada]]).
* Un [[Pont du Maréchal Joffre (1958)|pont]] porte son nom à [[Orléans]] ([[Loiret (département)|Loiret]], France).
* Cité dans plusieurs albums de la [[bande dessinée]] ''[[Achille Talon]]''.
* Le Joffre est un jeu de cartes populaire dans Bellechasse (Québec, Canada).
* Une ville [[Madagascar|malgache]] porte son nom [[Joffreville]].
* Le prénom de ''Joffrette'' fut utilisé, particulièrement entre 1915 et 1918 en l'honneur du vainqueur de la [[Première bataille de la Marne|Marne]].
* Il donne son nom à la promotion 2003-2006 du [[Lycée François-Arago (Perpignan)|Lycée François-Arago]] de [[Perpignan]] dont il est issu.
* Il donne son nom au lycée Joffre de Montpellier (Herault).
* De nombreuses voies urbaines portent son nom.
== Bibliographie ==
* André Bourachot, "Joffre - de la préparation de la guerre à la disgrace, 1911 - 1916" Bernard Giovanangeli éditeur 2010 (ISBN : 978-2-7587-0059-3).
* Collectif, ''14-18 – Mourir pour la patrie'', Seuil, Paris, 1992 {{ISBN|978-2020146562}} ; rééd. Seuil, 2007 {{ISBN|978-2757806227}}.
* [[Arthur Conte]], ''Joffre'', Olivier Orban, 1991 {{ISBN|978-2262014414}}.
* [[Jean Fabry]], ''Joffre et son destin'', Charles Lavauzelle, Paris, 1931.
* [[Marc Ferro]], ''La Grande Guerre'', Gallimard, Paris, 1969 {{ISBN|978-2070325832}}.
* Marc Ferro (et ''alii''), ''Frères de tranchées'', Tempus, Paris, 2006 {{ISBN|978-2262025991}}.
* Roger Fraenkel, ''Joffre, l'âne qui commandait des lions'', Italiques, Paris, 2004 {{ISBN|978-2910536510}}.
* Patrick Garreau, ''1914, une Europe se joue sur la Marne'', Economica, Paris, 2004 {{ISBN|978-2717849462}}.
* Michel Goya, ''La Chair et l'acier'', Tallandier, Paris, 2004 {{ISBN|978-2847341638}}.
* Jean-Paul Huet, ''Joseph Joffre (1852-1931), le vainqueur de la Marne'', Anovi, 2004 {{ISBN|978-2914818032}}.
* [[Jules Isaac]], ''Joffre et Lanrezac – Étude critique des témoignages sur le rôle de la 5{{e}} armée (août 1914)'', éd. Chiron, Paris, 1922.
* Joseph Joffre, ''Mémoires du Maréchal Joffre (1910-1917)'', 2 volumes, Plon, Paris, 1932.
* Joseph Joffre, ''Charleroi et la Marne'', Flammarion, Paris.
* Émile Mayer, ''Trois Maréchaux, Joffre, Gallieni et Foch'', Gallimard, Paris, 1928 {{ISBN|978-2070243280}}.
* [[Guy Pedroncini]], ''Journal de marche de Joffre (1916-1919)'', Service historique de l'armée de terre, Paris, 1990 {{ISBN|978-2863230657}}.
* Guy Pedroncini, ''Présentation de la bataille de Verdun'', {{pdf}} {{lire en ligne|lien=http://www.memorial-de-verdun.fr/pdf/histoire/pedroncini.pdf}}.
* [[Antoine Prost]] et Jay Winter, ''Penser la Grande Guerre, un essai d'historiographie'', Seuil, Paris, 2004 {{ISBN|978-2020540391}}.
* Frédéric Rousseau, ''La Guerre censurée, Une histoire des combattants européens de 14-18'', Seuil, Paris, 2003 {{ISBN|978-2020612586}}.
* Michal Tymowski, « Les esclaves du commandant Quiquandon », dans ''Cahiers d'études africaines'', {{numéro}}158, 2000.
* Pierre Varillon, Joffre, Arthème Fayard, Paris, 1956.
== Notes et références ==
{{références|colonnes=2}}
== Voir aussi ==
{{commons|Category:Joseph Joffre|Joseph Joffre}}
* [[Lycée Joffre (Montpellier)]]
=== Articles connexes ===
* [[Maréchal de France]]
=== Liens externes ===
* [http://www.la-clau.net/fr/editos/2006/53_bezsonoff_critique_joffre.php Le maréchal Joffre, personnalité contrastée]
* [http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=525 Notice biographique de l'Académie française]
* Son nom a été donné à un paquebot des [[Messageries maritimes|Messageries Maritimes]], le [http://www.es-conseil.fr/pramona/maljof.htm ''Maréchal Joffre'']
{{Début dynastie}}
{{Insérer dynastie|avant=[[Victor-Constant Michel]]|nom=Généralissime|Généralissime|
|période=28 juillet 1911 - 2 août 1914|après=aucun}}
{{Insérer dynastie|avant=Aucun|nom=Commandant en chef des opérations Nord et Nord-Est|Commandant en chef des opérations Nord et Nord-Est|
|période=2 août 1914 - 26 décembre 1916|après=[[Robert Nivelle]]}}
{{Insérer dynastie|avant=[[Etienne Laffon de Ladebat]]|nom=Chef d'État-Major de l'Armée|Chef d'État-Major de l'Armée|
|période=28 juillet 1911 - 2 août 1914|après=[[Philippe Pétain]]}}
{{Fin dynastie}}
{{Académie française|avant=[[Jules Claretie]]|Numéro=35|Période=1918-1931|après=[[Maxime Weygand]]}}
{{Palette Académie française
|jour=election
|date=14 février 1918
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|suivant=Louis Barthou#election
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|fauteuil14=Hubert Lyautey
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{{Palette Académie française
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|date=3 janvier 1931
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{{Portail|histoire militaire|France|Première Guerre mondiale}}
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{{DEFAULTSORT:Joffre, Joseph}}
[[Kategori:Tokoh Prancis]]
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[[Kategori:Kelahiran 1852]]
[[Kategori:Kematian 1931]]
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